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Déposez votre témoignage, donnez votre avis sur dialogue@comores95.info "Dans quelques semaines, le corsaire sera jugé mais pas la république qu'il a "défendue" durant 40 ans. Comme d'habitude, Bob Denard jouera le rôle de l'arbre qui cache la forêt. Mais qui demandera à la France de répondre de ses propres actes." - Lisa Giachino et Kamal' Edine Saindou journalistes au journal comorien Kashkazi 27/10/2005 page 13. Audience du 21 février - Audience du 22 février - 23 février - 24 février - Audience du 27 février - Audience du 28 février - Audience du 1 mars - 02 mars - Audience du 6 mars Audience du 7 mars - Audience du 8 mars - Audience du 13 mars - Audience du 14 mars - Audience du 15 marsJugement du 20 juin - 30 juin 2006 : appel du parquet« Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on se dit qu’on a bien raison de penser ce qu’on pense ». Olivier Bray, procureur de la République Audience du 20 février 2006 Coup de théâtre avant même le début de l’audience : le colonel Bob Denard, annoncé absent en raison de son état de santé est là. Malade mais bien présent. Le vieux soldat, qui peine à reconnaître ses compagnons d’armes, qui éprouve de visibles difficultés à se déplacer, a absolument tenu à se présenter devant ses juges, comme un défi à l’ingratitude dont font aujourd’hui preuve les autorités françaises à son égard. L’image qui restera de cette première audience est celle du courage de ce vieux soldat qui, aujourd’hui, mène son dernier combat. Pour l’honneur. Le
président du tribunal commence alors l’examen de conclusions
« in limine litis » présentées par Maître
Philippe Gérard, avocat de trois prévenus, constatant
l’incompétence du tribunal correctionnel. Et là,
deuxième surprise de ce procès, il apparaît avec
évidence que ces conclusions sont fondées. En substance,
Maître Gérard établit que l’information judiciaire
n’aurait pas pu être ouverte sous sa qualification actuelle
et constate l’incompétence du tribunal correctionnel. «
J’ai l’honneur de vous demander de mettre un feu rouge
à ce procès », déclare-t-il. Le procureur, enfin, salue la pertinence des arguments développés par Maître Gérard et se contente de demander de joindre l’incident au fond, ce qui revient à dire que le jugement concernant l’exception d’incompétence sera rendu à la fin du procès, en un seul et même jugement que sur le fond de l’affaire. Tout le monde a déjà compris que la procédure avait du plomb dans l’aile. Une
cohorte d’avocats de différentes parties civiles (on ne
comprend d’ailleurs pas très bien qui défend qui)
tente ensuite sans succès de contester l’expertise médicale
qui conclue à l’inaptitude du colonel Denard et s’affrontent
sur des demandes contradictoires. Certaines demandent une contre
expertise, les autres demandent de passer outre l’expertise et
de forcer le malade à comparaître. Le tribunal se retire pour délibérer. Comme attendu, l’exception d’incompétence est jointe au fond, la demande de contre-expertise et celle de comparution forcée sont rejetées. Le président commence alors l’examen des faits. Après une synthèse de l’histoire des Comores entre 1975 et 1995, il constate que le Président Djohar avait été destitué par la cour suprême comorienne le 3 août 1991 pour détournements de fonds, divers trafic et népotisme, et qu’il s’était maintenu au pouvoir par la force avec le soutien de deux officiers français de la DGSE. « Ces faits constituent un véritable coup d’état », tire-t-il d’une lettre du président de la cour suprême Ibrahim Halidi. Il constate ensuite que « Djohar avait menacé la France, si elle n’augmentait pas sa contribution au budget comorien, de s’allier avec l’Iran et avec la Lybie, états qui à l’époque étaient considérés comme paraterroristes ». Tout le monde comprend alors ce qui a poussé les services français à mettre fin à leur soutien à Djohar et à laisser faire l’opération Kashkazi… Interrompu à plusieurs reprises par Saïd Larifou, de plus en plus agressif au fur et à mesure que se dessine l’évidence du bien fondé de l’opération commandée par Bob Denard, le président garde son calme et lui rappelle qu’il aura toute latitude pour présenter ses arguments lors de sa plaidoirie. Vient alors l’examen des enquêtes menées en Norvège et aux Pays-Bas, où le bateau utilisé par Bob Denard a été acheté puis équipé, puis le voyage vers Tenerife, puis le départ du Vulcain vers les Philippines, puis le changement de cap et l’annonce en pleine mer par le colonel Denard du véritable but de l’opération, alors qu’il n’est plus possible pour personne de faire demi-tour « a moins de nager plusieurs milliers de kilomètres », précise le président. Par touches successives, le président éclaire un nouveau volet de l’affaire. Il apparaît au fur et à mesure que la mission de recherche archéologique proposée par Bob Denard à ses hommes était crédible, réduisant à néant la thèse de l’association de malfaiteurs. Mieux encore, il constate que les rares équipements achetés en France l’ont été par quelqu’un qui a depuis bénéficié d’un non lieu dans cette affaire et dont le rôle était purement et simplement celui d’un marin. Au-delà des questions de procédure, il devient clair que l’accusation aura du fil à retordre. Le
récit du coup d’état en lui-même est de la
même veine. On s’aperçoit que les Comoriens en sont
les acteurs principaux, que l’armée comorienne disposait
d’un armement et d’un effectif incomparablement plus puissants
que celui des « mercenaires », que les portes de la Présidence
de la République comorienne ont été ouvertes par
l’officier français de la DGSE chargé de sa protection,
que la DGSE avait elle-même conçu puis annulé une
précédente tentative de coup d’état avec
un certain Patrick Olivier qui avait recruté une cinquantaine
de Croates à cette occasion, que Bob Denard a protégé
le président déchu Djohar « de la foule qui
aurait voulu lui demander un certain nombre de comptes ». Viennent alors les témoignages des coopérants français recueillis sur place. Edifiants. Tous font état du fait que la majorité des acteurs du coup d’état étaient des soldats comoriens. Certains évoquent une fusillade à Radio Comores qui leur a fait très peur. Oui, vous avez bien lu : des militaires français se plaignent de troubles psychologiques parce qu’ils ont entendu siffler des balles ailleurs que dans un champ de tir ! Consternant. On comprend mieux ce qui peut pousser des hommes épris de causes justes et d’aventure à rejoindre les rangs de Bob Denard… Un
homme se présente alors à la barre en boitant de façon
exagérée. C’est le colonel Soihili, blessé
en 1995 lors des échanges de tir entre Comoriens à Radio
Comores et sauvé par les soins prodigués par le commandant
Marquez, compagnon de Bob Denard. Il se constitue partie civile. Sans
un mot de remerciement pour le commandant Marquez, il dit qu’il
est chef d’état-major de l’armée comorienne
et qu’il est arrivé en France samedi. Mais dans la salle
il se murmure qu’en fait il vit et travaille en France…
Où est la vérité ?
Les caméras avaient déserté le palais de justice de Paris pour la deuxième audience du procès Denard. C’est donc dans une ambiance beaucoup plus sereine que les débats ont repris, mardi 21 février à 13H30. A l’ouverture de l’audience, le président demande si Jacques Dewatre, témoin dont l’audition a été demandée par la défense, est présent. Un petit flottement et puis non, le témoin n’est pas là. Le soulagement se lit sur les visages des avocats des parties civiles. L’audition de Jacques Dewatre, patron de la DGSE à l’époque de l’opération Kashkazi, était en effet redoutée par ceux qui auraient aimé accréditer la thèse d’une action crapuleuse montée uniquement par Bob Denard et ses hommes. Le soulagement sera de courte durée, car on s’aperçoit bien vite que le dossier suffit à établir l’évidente implication des services français. Pièce après pièce, le président du tribunal donne lecture des multiples témoignages recueillis au cours de l’instruction : journalistes, chefs d’entreprises, agents et dirigeants des services secrets, hommes politiques comoriens, l’organisateur d’un projet de coup d’état aux Comores démonté par la DGSE en mars 1995, et même le ministre de la coopération de l’époque, sans oublier la déclaration –accablante pour la France – du principal intéressé, recueillie à la Réunion par la juge d’instruction en charge du dossier. Et la vérité apparaît, incontestable, par éclairages successifs. Bob Denard était « traité » par le SDECE, puis la DGSE. Le coup d’état était voulu par de nombreuses personnalités comoriennes, dont certaines avaient informé la cellule africaine de l’Elysée et le ministère français de la coopération. La DST avait même été informée par un chef d’entreprise du fait que Bob Denard cherchait à acheter un avion. Et en rassemblant les faits établis par ces témoignages, on en arrive aux constats suivants : la garde rapprochée de Saïd Mohamed Djohar était commandée par un cadre de la DGSE, le capitaine Rubis ; ses services de renseignements étaient dirigés par le lieutenant-colonel Kister, de la DGSE. Et jamais ces hommes ne l’ont informé de l’existence puis du démontage d’un projet de coup d’état à son encontre en mars 1995 : « Je n’avais aucune information », « mes services de renseignements étaient dirigés par les Français », « à aucun moment M. Kister ne m’a alerté », déclarait-il à la juge d’instruction. Mieux
encore : on apprend de la bouche même d’un participant à
l’opération Kashkazi qu’il avait travaillé
sous les ordres de l’adjudant Rubis (devenu temporairement capitaine
aux Comores) au 11ème Régiment Parachutiste de Choc, le
régiment du « service action ». Mais
le coup de grâce viendra du propre fils de Saïd Mohamed Djohar,
venu se constituer partie civile et défendre – fort dignement
– l’honneur de son père. Pressé de questions,
il finit par lâcher : « c’est l’association
de Bob Denard avec les services français qui a permis tout cela
». Auparavant, il avait déclaré que son père
était « parti à la Réunion pratiquement
en pyjama », qu’il avait « transité
par l’ambassade de France où il a demandé à
voir sa femme et ses enfants et on lui a interdit ». Et le
fils du président déchu ne s’arrête plus :
« je suis allé le voir à la Réunion quand
il était en résidence surveillée »,
« il y avait un gendarme qui était là en permanence
», et enfin « de lui-même il n’aurait
pas pu repartir aux Comores parce qu’il y avait un gendarme qui
le suivait partout dans tous ses déplacements ». Tout le monde a compris que l’armée française n’avait pas « libéré » le président Djohar. « Ne m’appelez plus président », lance le président du tribunal pour détendre l’atmosphère, « parce qu’on se fait destituer… ». La seule chance d’arrêter le massacre pour Saïd Larifou, visiblement sonné, réside dans l’examen de conclusions qu’il a présentées, visant à obtenir un supplément d’information. Las ! La réponse du procureur de la République est cinglante : non. En dix ans d’instruction, on a largement fait le tour de la question. L’incident est joint au fond, comme le veut la loi, mais le sort de cette demande est clairement réglé. Demain,
le tribunal commence l’interrogatoire des prévenus. Ils
s’attendent à être sérieusement malmenés
par un président sans complaisance mais semblent particulièrement
sûrs de leur bon droit. A suivre. A la demande d’un avocat de la défense, le président du tribunal appelle à nouveau le témoin Jacques Dewatre. Absent. « Les témoins ne se précipitent pas », commente-t-il. Il est vrai que, parmi les responsables politiques et militaires en place à l’époque des faits, aucun témoin ne s’est encore présenté après trois jours d’audience. Aujourd’hui, le tribunal attaquait « dans le bois dur », avec les premiers interrogatoires des participants à l’opération Kashkazi. Pour
commencer, il examinait les déclarations des trois morts, : Gérard
T, Thierry TT et François R, tous trois décédés
depuis l’opération dans des circonstances différentes. Voyant que l’affaire s’engageait à nouveau dans un sens favorable aux prévenus, le procureur tentait d’emblée d’infléchir le cours du procès en s’en prenant à un prévenu présent à partir d’une phrase ambiguë d’un des défunts sur des fréquentations politiques communes. Il s’attirait une réponse courtoise mais ferme : « Ce n’est pas un procès politique, même si par bien des aspects ce pourrait être le procès de la politique ». L’interrogatoire de D. B confirme en tous points le récit des faits effectués lors des deux premières audiences même si, le temps passant, les souvenirs peinent à remonter à la surface. Sous les assauts du procureur qui tente de le déstabiliser, il ose à peine prononcer : « Onze années depuis les faits, c’est très long. On essaie d’oublier. Des amis m’ont tourné le dos, je suis resté longtemps sans travail à cause de cela. Vivement que ce procès se termine. » S.B,
plus prolixe, raconte par le menu comment « Stanislas »,
le capitaine Rubis, a ouvert les portes de la présidence de la
république et interdit à ses hommes de tirer. Il précise
aussi que « pour les Comoriens ce n’était pas
un coup d’état, c’était vraiment une libération
». Le docteur P. G, médecin du bord, rapporte alors avec émotion les « conditions de détention effroyables des prisonniers comoriens libérés par Bob Denard à qui la nourriture était donnée dans la même cuvette que celle qui servait aux excréments ». A la présidence, où il avait été appelé pour soigner l’épouse du président Djohar, victime d’une crise d’asthme, « ce que j’ai constaté sur place, c’est effectivement une foule en liesse qui acclamait les mercenaires ». De
l’émotion aussi, mais beaucoup de retenue, lorsqu’il
évoque les conditions de sa propre détention et les sévices
qu’il a subis sur le Floreal, frégate de surveillance française
à bord de laquelle il avait été transporté
après avoir rejoint l’ambassade de France pour un accompagner
un coopérant militaire victime d’un malaise : « après
une nuit attaché à fond de cale, secoué et menacé
de mort, on est déjà bien fatigué. »
Il révèle alors : « le commandant du Floreal
me menaçait de me jeter par-dessus bord ». Maître
Christophe Grignard, avocat d'un des prévenus, demande innocemment"«
Il y a un officier de police judiciaire à bord d’un
bateau militaire français ? » Enfin le docteur P.G évoque ainsi les premières heures de son retour en France : « A la descente de l’avion on nous a notifié notre garde à vue. Nous n’étions pas en état de répondre. Certains avaient cessé de s’alimenter. Aux Comores nous avons réclamé à cor et à cri d’être entendus par un avocat, ce qui nous a été refusé. J’ai fait une lettre au consul pour lui dire que cela paraissait dangereux de maintenir ainsi trente personnes épuisées en détention dans une si petite pièce ». Ce volet « oublié » de la procédure pourrait bien peser lourd dans les débats à venir. Car cette garde à vue sauvage a duré onze jours. Pas mal au pays des droits de l’homme… Reprise
des audiences le lundi 27 février. D’ici-là, le
blog continue avec notamment un entretien exclusif et particulièrement
édifiant avec le lieutenant M, un des prévenus dans cette
affaire. A demain. Apprenant
le décès de Saïd Mohamed Djohar, mercredi 22 février
2006, nous décidons de procéder à une journée
de silence en signe de respect.
Ce procès me semble démesurément long, pour une affaire somme toute assez simple et que l’on pourrait résumer ainsi : mission accomplie. J’ai l’impression que nous sommes vraiment des clients atypiques pour le tribunal. D’habitude ils ont en face d’eux des vrais délinquants. Et là c’est tout le contraire. Il m’a surtout semblé jusque-là que le procureur avait du mal à trouver ses marques. Visiblement, il a compris que des ombres planaient au dessus de ce procès et que la vérité serait très difficile à trouver. Il remplit sa mission du mieux qu’il peut, mais je n’aimerais pas être à sa place car dans cette affaire il a le mauvais rôle.
On parle beaucoup depuis trois jours de la couleur des feux. Pour moi, le feu orange ce n’est qu’une précaution oratoire utilisée par le colonel Denard qui s’est toujours gardé de compromettre les services français. Mais là cela est porté sur la place publique. La vérité dans cette affaire n’est pas orange et elle est beaucoup plus simple que tout ce qu’on peut lire ici ou là. Pour une affaire aussi sérieuse, c’est « Go » ou « No Go ». Il n'y a pas de position intermédiaire. Quelque
temps avant l’opération Kashkazi, il y a eu un «
No Go », en mars 1995, pour démonter une opération
prévue avec des Croates. Cela a été clairement
établi par l'instruction. Heureusement cette opération
a été stoppée, car cela aurait été
un véritable carnage. Le public apprend depuis trois jours beaucoup de détails qui confirment que les services sont mouillés jusqu’au cou… d’état, si j’ose dire. Je trouve regrettable que ce procès soit l’occasion de mettre ce genre de choses sur la place publique. La gestion de ce dossier manque singulièrement de cohérence. Les débats ont apporté des révélations incroyables sur le comportement de certaines unités françaises engagées dans l’opération Azalée. Vous en voulez à l’armée française ? Je
n’en veux pas à mes frères d’armes qui ont
débarqué après nous. En revanche, il y a quelque
part à l’état major quelqu’un qui est un véritable
criminel. C’est celui qui a établi l’ordre initial
du débarquement français, où la situation a délibérément
été présentée de façon mensongère
aux soldats français, leur faisant croire que "les mercenaires"
étaient des Libanais, des Iraniens, des Sud-Africains. A aucun
moment il n'a été fait mention de notre origine réelle,
les consignes d'ouverture du feu ont été : feu à
volonté. (Nous
recherchons des témoignages sur ce sujet - le webmaster-)
C’est ainsi qu’ils ont flingué sans sommation des
journalistes, des civils, et même au moins une femme, la femme
du directeur comorien de l’aéroport qui tentait de se cacher
lorsqu’ils sont arrivés. Notre ami D.G. s'est fait prendre
à partie sans sommation alors qu' il se rendait en véhicule,
avec des soldats comoriens, à l'aéroport d'Hahaya. Grièvement
blessé par des tirs de roquettes et d'armes automatiques il a
été laissé plusieurs heures sans soins.
Il faut bien comprendre que, à une petite trentaine et très faiblement armés, nous n’aurions eu tactiquement aucune chance d’atteindre nos objectifs et même de nous en sortir vivants, si le risque d’une confrontation avec l’armée comorienne avait existé. Sans les Comoriens, ce coup d’état était inenvisageable. Ce sont les Comoriens qui ont fait ce coup d’état. Nous n’avons fait que donner le signal de départ. Quelques jours après notre débarquement 500 militaires "putschistes" ont défilé sous les acclamations de la population. J’ai d’ailleurs appris au cours des premières audiences que des tractations avaient eu lieu entre les principaux leaders politiques comoriens, et que c’est d’un commun accord, avec l’appui du ministère français de la coopération et après avoir exploré d’autres pistes qu’ils sont allés trouver le colonel Denard. Et ils ont eu raison de le faire car il n’y a que lui qui pouvait réussir cette opération sans que cela ne tourne au bain de sang. J’ai d’autres choses à dire, mais par courtoisie j’en réserve la primeur au tribunal. Rendez vous à la fin des audiences. L’audience du jour a apporté son lot de confirmations et de révélations Plusieurs interrogatoires au menu, au cours desquels le président utilise toujours le même mode opératoire : curriculum vitae, lecture des comptes rendus des examens psychiatriques et médico psychologiques, résumé des déclarations. Puis il donne la parole au prévenu, le « cuisinant » sans ménagement avant de passer le relais aux parties civiles, puis au ministère public et enfin à la défense. Haut en couleur,
D. F., une tête de corsaire, un anneau dans l’oreille gauche,
d’origine néerlandaise mais « plus méditerranéen
que nordique », résume l’affaire avec bonhomie. Plus grave, il évoque le fait que « les gens qu’on a sorti de prison étaient dans un état lamentable » et ne parvient pas à oublier que « l’armée française a tiré sur des véhicules, des civils, des journalistes ».
« Je ne
regrette rien », avait déclaré P. C. au psychiatre.
Ancien légionnaire, il avait tout de suite compris que «
si c’est monsieur Denard qui est derrière cette opération,
c’est forcément une mission couverte ». Pour
lui, « feu orange, cela signifie que Bob Denard a l’aval
des autorités françaises en parole mais pas en écrit
». Sous les assauts du ministère public qui tente de lui faire dire qu’« on » lui a indiqué ce qu’il devait déclarer, il répond clairement : « Non ! C’est ma version des faits à moi. Elle est ce qu’elle est, mais c’est la mienne ! ». Le procureur n’en tirera pas plus…
Le président tente alors de lui faire dire qu’il avait un compte à régler avec la DGSE suite à son départ du 11ème Choc. Sûr de lui, O.F. dément fermement et évoque le nécessaire cloisonnement des services secrets. « Je vois ce que vous dites, ça parait cohérent alors », finit par reconnaître le président. « Je ne crois pas au hasard », poursuit le prévenu. « Nous étions deux anciens de la DGSE, F.R. [décédé, note du webmaster] et moi, donc cela ne peut pas être un hasard. » Est alors évoquée
par un avocat des parties civiles une possible manipulation, sur place,
du capitaine Rubis, chargé de la sécurité du président.
Il apparaît alors avec évidence que si O.F. et F.R. ont
été recrutés, c’est précisément
parce qu’ils avaient travaillé tous les deux sous les ordres
de « Stanislas », pseudonyme de Rubis, au 11ème Choc
et que cela permettait de s’assurer du comportement compréhensif
de l’intéressé sans avoir à le prévenir
officiellement avant l’opération. Le procureur tente
ensuite sans succès d’établir que d’autres
que des membres de la DGSE auraient pu connaître le profil militaire
de l’intéressé. « Non ! Pas les opérations
dont on m’a parlé », répond-il avec une
évidente sincérité. Poursuivant le raisonnement,
le président se réfère alors à l’affaire
du Rainbow Warrior : « vous admettez que les services secrets
puissent ordonner d’agir de manière illégale ?
»
Certes, il en manquait, la plupart des armes de chasse ayant « disparu » mystérieusement. Mais cet armement paraissait tout de même bien léger pour un commando qui aurait attaqué un pays… La vue de ces quelques pétoires rouillées, en vente libre à l’époque des faits, confirmait, à l’évidence, que la « force spéciale » du colonel Denard n’avait pas été conçue pour affronter une résistance militaire organisée, ce qui accrédite la thèse selon laquelle Bob Denard avait, effectivement, de sérieuses garanties du côté des forces armées comoriennes. Le procureur tente
d’interroger un prévenu sur l’armement mais le président
lui fait savoir fermement que le timing du procès doit être
respecté : « vos questions sont légitimes mais
je vous demande de les poser au moment voulu ». Le procureur
s’incline. Certaines questions restent donc en suspend.
Au président qui se renseigne sur la possibilité pour les services français d’utiliser des gens qui n’en sont pas membres, un autre prévenu cite le cas du docteur Xavier Maniguet dont les compétences avaient été utilisées lors de l’affaire d’Auckland. Décidément, on parle beaucoup du Rainbow Warrior ces jours-ci. Revenant à R.Fa., le président peine à croire qu’il n’ait été pourvu que de balles en caoutchouc. Le prévenu répond, avec un certain bon sens, que cette insuffisance de puissance de feu était compensée par le professionnalisme de l’équipe. Vient le tour d’un
client atypique. G.C., Breton, est ouvrier dans une papeterie, syndicaliste
FO et a suivi le cursus de l’Institut des Hautes Etudes de la
Défense Nationale (IHEDN).
En réponse au président qui peine à croire qu’il ne connaissait pas la nature réelle de la mission au moment de son recrutement, il évoque le légendaire « cloisonnement » de Bob Denard : « on ne peut pas dire ce qu’on ne sait pas ». Il apparaît totalement sincère lorsqu’il explique « dans mon esprit des scientifiques devaient nous rejoindre aux Philippines ». A un avocat des
parties civiles qui lui demande comment il juge la légalité
de cette opération, il réplique, sans appel : «
en 1978, dans les mêmes conditions, le colonel Denard a effectué
exactement la même opération avec les mêmes effets
et le même résultat. Mais là la France a manifesté
sa satisfaction, a envoyé des visites officielles, a financé
l’armée comorienne,… ». Ne parvenant pas à déstabiliser le prévenu, le même avocat le traite alors de « nervi ». Le terme, aussitôt contesté par l’intéressé et qui donne lieu à un rappel à l’ordre du président, sonne particulièrement mal eu égard à la personnalité du prévenu. La discussion évolue alors sur les salaires. Et là, surprise. On s’aperçoit que les militaires français en opérations extérieures touchent beaucoup plus que ce que les « mercenaires » peuvent espérer gagner. Le président peine à le croire, mais ce fait lui est aussitôt confirmé par plusieurs personnes : en opération extérieure, un militaire français touche 3,2 à 3,3 fois la solde de base, ce qui conduit dans tous les cas à des salaires incomparablement plus élevés que les 17 500 francs promis aux « mercenaires » de Bob Denard. La défense recentre le débat. « Aviez-vous l’intention de partir pour arrêter et séquestrer le président Djohar ? », demande Maître Elie Hatem. « Non », répond très clairement le prévenu.
« C’est dommage que certains témoins n’aient pas daigné venir », commente le président.
« Manifestement, nous étions attendus », confirme-t-il à propos de la prise du camp militaire de Kandani. Evoquant l’embuscade dans laquelle il est tombé, il se tourne vers un autre prévenu et lui demande de dire au tribunal ce qu’il a entendu de la bouche du chef du commando Jaubert, à l’occasion d’une conversation téléphonique ultérieure. Sur un signe du président, le co-prévenu se lève, sort de sa poche un cassette que son avocat pose sur le bureau du président, et donne lecture des quelques mots les plus significatifs de l’entretien avec le commandant P. : « Mais surtout qu’il remercie le toubib parce que je peux dire que j’ai eu pas mal de difficultés à maîtriser mes hommes pour ne pas qu’il l’achèvent et pour entendre maintenant reprocher qu’on lui a fait les poches, c’est quand même douloureux ». Vous avez bien lu. Pour ce capitaine de corvette, chef d’une des plus prestigieuses unités de l’armée française, le plus grave est qu’on reproche à ses hommes d’avoir « fait les poches » d’un blessé, pas d’avoir voulu l’achever ! Le tribunal veut en savoir plus, et l’on apprend que le même commandant croyait avoir affaire à des mercenaires sud-africains, qu’il a « atténué ses ordres », bref qu’il a de toute évidence été intoxiqué par ses chefs. C’est une nouvelle zone d’ombre de l’affaire qui surgit. Sera-t-elle finalement éclairée ?
Encore une longue
audience consacrée aux interrogatoires des prévenus, marquée
par de divertissants incidents provoqués par un avocat des parties
civiles qui, manifestement, perd son sang froid en même temps
que les pédales.
Dévoilant une stratégie très pauvre, les avocats des parties civiles tentent maladroitement de maquiller des commentaires en questions, lesquelles tombent systématiquement à plat. « Le pays, en lui-même, il a été Sali ! Est-ce que vous avez conscience de cela ? » « Non. Les Comoriens étaient réellement contents de notre arrivée. Il y avait un réel malaise que nous avons aidé à soigner. » Comme une évidence, il qualifie ainsi l’opération à laquelle il a participé : « C’était de l’assistance technique. Après notre arrivée les Comoriens se sont organisés entre eux. La présence du colonel Denard a permis de faire en sorte que tout cela se passe bien. Si cela s’était fait avec des Croates, comme cela était initialement prévu par les services français, il y aurait eu beaucoup de casse ».
Pour prouver que,
lorsque les services français ne veulent pas qu’une opération
soit réalisée, ils savent intervenir pour la démonter,
il évoque deux affaires récentes : fin 1995, au Qatar,
où un coup d’état organisé par le capitaine
Barril a été stoppé avant son exécution
et début 2002, où les services français ont arrêté
une opération au profit de Didier Ratsiraka à Madagascar.
A un avocat qui lui demande s’il est habituel que la France intervienne ainsi dans les affaires intérieures d’un état souverain, il réplique que l’armée française a bien renversé l’empereur Bokassa en Centrafrique pour le remplacer par Davis Dacko. « Et lorsque l’état français n’a pas intérêt à mouiller ses troupes, il fait appel à des privés comme nous ». Avant de quitter la barre, il lâche une dernière flèche : « il me semble me souvenir que le président comorien actuel est lui-même issu d’un coup de force ». Tiens, c’est vrai, plus personne n’y pensait… Un avocat de la partie civile tente une citation qui n’a rien à voir avec le contexte : « les convictions sont aussi dangereuses pour la vérité que le mensonge ». Décidemment, ce n’est pas son jour : « Vous avez beaucoup de convictions », lui réplique un autre avocat.
Il évoque aussi le débarquement du 13 mai 1978, auquel il a participé : « 78, c’était monté par la France, il n’y avait pas de raison qu’en 95 ce soit différent ». Et il rappelle opportunément que le bateau utilisé par Bob Denard en 1978, l’Antinea, avait le même commandant que le Vulcain en 1995 et que celui-ci a bénéficié d’un non lieu. La question qui se pose ensuite est celle de savoir s’il était au courant de la mission avant d’embarquer sur le Vulcain. Visiblement, le président ne croit pas que Bob Denard ait pu cacher la nature de la mission à son vieux compagnon : « Soyons sérieux, ça heurte le bon sens ! Est-ce que vous dites la vérité ? », pas plus qu’il ne croit crédible l’apparente reconversion du colonel Denard dans l’archéologie sous-marine, « changer le fusil d’épaule en quelque sorte ». Et pourtant oui, c’est vrai, c’est la vérité. Revenant à l’intervention de l’armée française en 1995, le président résume, dubitatif : « le plan aurait été de laisser faire les choses, mais une fois faites de donner l’impression de les combattre ? » « Oui, c’est tout à fait plausible », répond le prévenu.
Interrogée sur l’opération croate organisée puis démontée par la DGSE , il salue la clairvoyance des services qui l’ont stoppée : « Je ne vois pas ce qu’auraient pu faire d’autre qu’un massacre ces cinquante Croates ne connaissant ni la pays ni la langue. Il y a quelqu’un de clairvoyant qui a dit : Non, il faut arrêter, cela ne va pas marcher. La DGSE arrête l’opération ». « Patrick Olivier a fait son montage et ce qu’il propose ne correspond pas à l’effet qu’on veut obtenir, donc on se rabat sur Bob Denard qui est le seul à pouvoir réussir cela sans bavure. » Interrogé sur la possibilité d’une motivation d’ordre personnel de Bob Denard pour intervenir aux Comores, comme par exemple y récupérer des biens, J.P. est formel. « Le colonel Denard est un homme loyal, honnête et droit », répète-t-il à plusieurs reprises. « Ses biens aux Comores ? Il a deux maisons qui sont aujourd’hui en ruines et qui ont été pillées, plus un bout de terrain au lieu dit « le Trou du Prophète. Point. Voilà les intérêts immobiliers du colonel aux Comores ! »
Sur le revirement des autorités françaises et l’intervention militaire qui a suivi, J.P. émet une hypothèse qui ne manque pas de crédibilité : « En 1995 se produit un changement politique important en France. Peut-être qu’un politicien ou un responsable des services de renseignement débarqué oublie de passer le dossier à son successeur et on se retrouve avec une guerre des réseaux. C’est une possibilité. » Le président, demande pourquoi Jacques Foccart n’a pas été entendu. Le prévenu n’en sait rien mais précise : « si j’avais su qu’on me traînerait devant un tribunal, j’aurais été plus virulent ». Aux parties civiles, qui rappellent, avec justesse pour une fois, que la Garde Présidentielle était financée par l’Afrique du Sud, il rafraîchit la mémoire sur l’ensemble du fonctionnement de la G.P. : « la France nous donnait aussi le meilleur du matériel et les meilleurs stages. Nous avons des officiers de la G.P. qui ont fait des stages à Satory au GIGN, d’autres à l’Ecole d’Application de l’Infanterie à Montpellier,… ». Sur les intérêts de la France à agir aux Comores, J.P. rappelle brièvement que la question centrale est celle de Mayotte, qui se trouve sur la route des pétroliers en cas de fermeture du canal de Suez. « Et le problème de Mayotte, aujourd’hui, reste posé », rappelle-t-il comme un avertissement aux apprentis sorciers qui ont manipulé cette affaire. Fin connaisseur des Comores, le prévenu cite une plaisanterie qui circule à Moroni : « s’il y avait proportionnellement autant de ministres en Chine qu’aux Comores, il y aurait un million de ministres chinois ». Un avocat des parties civiles se met alors à hurler : « vous insultez les Comores » et s’en prend personnellement au président. Le président le remet en place : « Vous dénaturez mes propos, j’espère que vous ne le faites pas volontairement ! Et ça suffit maintenant, hein ! ». Chaude ambiance… Avec pertinence,
le prévenu revient, en réponse à des questions,
sur l’implication des services français. « Les
services de renseignement renseignent qui ? L’autorité
politique. Et qui décide d’agir ? L’autorité
politique. Donc c’est auprès des autorités politiques
qu’il faut chercher les clés de cette affaire. »
Simple, logique, imparable. Interrogé
sur son éventuelle participation à la préparation
de l’opération, il rappelle simplement ce qu’il a
fait, et qui n’est en rien constitutif du délit d’association
de malfaiteurs. C’est alors
que vient sur le tapis un élément qui n’avait pas
encore été soulevé. En énumérant
ce que son client a fait, maître Solange Doumic constate que quelqu’un
d’autre, dont il est avéré qu’il a fait exactement
la même chose, n’a même pas été mis
en examen dans cette affaire. Questionné là-dessus, le
prévenu évoque la relation de cette autre personne a avec
les renseignements généraux, évoquant une «
possible coïncidence ». Bien sûr, la journée ne pouvait pas se terminer sans le petit débat quotidien sur la couleur des feux. Pour J.P., « Feu vert, ça n’est pas sous-traité, c’est l’armée française qui intervient directement : feu orange cela veut dire que l’on autorise de la main gauche ce que la main droite peut se permettre de ne pas savoir, et qui évite par exemple de bouffer du mouton néo-zélandais pendant dix générations ». Décidemment, l’ombre du Rainbow Warrior plane sur ce procès… Interrogé
sur la violence excessive de l’intervention française,
le prévenu tient à faire la différence. «
Il y avait le 2ème RPIMa qui s’est très bien
comporté. Par contre certains éléments du COS [Commandement
des Opérations Spéciales] avaient visiblement consigne
de faire monter la pression en tirant sur tout ce qui bouge. »
Lors de la première audience du procès, à l’occasion du résumé du dossier, il est apparu qu’un avion de transport militaire français a survolé les Comores, sans plan de vol, pour une mystérieuse mission, le 27 septembre 1995, soit la veille du débarquement de Bob Denard. Nous apprenons aujourd’hui que la mission de cet appareil aurait été le largage d’une équipe de militaires français chargés de s’assurer du bon déroulement du débarquement de Bob Denard et son équipe. Merci à ceux
qui auraient d’éventuels témoignages ou informations
fiables de bien vouloir les transmettre par l’intermédiaire
de l’interface de contact du site. Notre ami Larifou était de retour aujourd’hui, après avoir participé à l’enterrement du président Djohar aux Comores, dont il a rapporté une cassette vidéo qu’il tient à montrer au tribunal. Pas très en forme, il n’a visiblement pas mis à profit les longues heures d’avion pour parfaire sa connaissance du dossier. A un prévenu qui lui faisait remarquer qu’il faut un peu travailler ses dossiers tout de même, il répondait, penaud : « si, si, j’ai travaillé, je connais bien le dossier. » Tu parles ! Au menu du jour, les quatre dernières auditions avant celle du colonel Bob Denard, prévue demain. Mais avant, le président passait en revue les déclarations de deux absents de marque. J.-P. G, non comparant, a été le chef du groupe qui a investi le camp militaire et assuré le ralliement des soldats comoriens. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas été très loquace. Il s’est néanmoins présenté à l’expert chargé d’évaluer son aptitude à être jugé, qui l’a considéré comme « non impulsif sauf en ce qui concerne la justice ». J.-C. F, capitaine
du Vulcain, a bénéficié d’un non lieu. Au
cours de l’instruction, il a déclaré n’avoir
appris la destination finale que deux jours avant le débarquement.
Considérant l’arraisonnement de son navire comme une acte
de piraterie contraire à la réglementation maritime internationale,
il a largement dénoncé les violences et le pillage du
bateau qui l’ont accompagné. Débarqué de
force par le commando Jaubert, il se plaignait d’avoir été
malmené et bousculé avant d’être jeté
à fond de cale de la frégate française Le Floreal
avant d’être jeté à terre aux Comores, pour
ensuite se voir reprocher d’y être entré illégalement…
L’hypothèse selon laquelle Bob Denard aurait pu réaliser cette opération pour blanchir de l’argent aux Comores ne lui semble pas réaliste : « l’argument du blanchiment d’argent est difficilement soutenable. » « Bob Denard est resté douze ans aux Comores. Jamais il n’a blanchi de l’argent. Pourquoi aurait-il voulu le faire alors ? » Sur l’accusation d’association de malfaiteurs, il exprime clairement ce qui devient aussitôt pour tous une évidence : « si j’avais voulu faire une carrière de malfaiteur je m’y serais pris autrement et je serais beaucoup plus riche que je ne le suis à présent ». Il confirme n’avoir « ni arrêté ni séquestré le président Djohar » et pense qu’il est « légitime de renverser dans les faits un chef d’état qui a été renversé par la cour suprême et qui en réponse a fait arrêter les membres de la cour suprême ». Il constate enfin que « la véritable séquestration du président Djohar a été le fait de la gendarmerie française à la Réunion ». A propos de l’apparente incohérence de la gestion de cette affaire par les autorités françaises, il rappelle le « jeu de chaises musicales » qui a eu lieu en 1995. « L’opération a été initiée alors que François Mitterrand était président de la république, avec Edouard Balladur comme premier ministre, que tout le monde donnait à l’époque comme probable vainqueur de l’élection présidentielle. Elle a été réalisée sous la présidence de Jacques Chirac, avec Alain Jupé comme premier ministre. » Et il évoque les « difficultés entre les différents services ». « En 1995, cela tourne. D’autres équipes sont mises en place ». Evidemment, l’ineffable Saïd Larifou, prévisible, se devait de tenter une diatribe. « Mais enfin, les Comores crient », s’exclame-t-il. « Non les Comores ne crient pas. C’est vous qui criez », lui répond le prévenu. Le procureur de la République lui rappelle que Bob Denard a déjà été condamné pour association de malfaiteurs, dans l’affaire du coup d’état au Bénin. E.P. répond que « l’affaire du Bénin est probablement la plus couverte que le colonel Denard ait réalisée de sa carrière ». Comme une évidence, il rappelle cette vérité de bon sens à un avocat des parties civiles qui lui demande des noms : « si les services secrets s’appellent services secrets, c’est précisément parce que ces choses-là sont secrètes. Sinon ça s’appellerait autrement. »
A un avocat des parties civiles qui évoque la « dictature d’Abdallah », il répond : « il n’y a que vous qui traitez Abdallah de dictateur ». Et il compare les effectifs de la coopération française et ceux de la GP à l’époque d’Abdallah : « Nous étions 14 cadres européens à la Garde Présidentielle. L’armée française avait sur place 25 gendarmes pour assister la gendarmerie comorienne et 25 coopérant auprès des Forces Comoriennes de Défense, ainsi que des coopérants dans chaque ministère comorien ». « A chaque fois que j’ai participé à une opération avec le colonel Denard, j’ai servi les intérêts français », résume-t-il. En 1995, lors de l’opération Kashkazi, il était sous contrôle judiciaire dans le cadre de l’affaire Abdallah dans laquelle il a été acquitté plus tard. « Je devais prévenir le juge de mes déplacements », précise-t-il. « Et vous l’avez prévenu ? », demande le représentant du ministère public. « Une fois arrivé aux Comores, oui », répond le prévenu, déclenchant des rires dans l’assistance. Et il confirme que Bob Denard a toujours été en contact avec Jacques Foccart et avec le colonel Maurice Robert, ainsi qu’avec le général Jeannou Lacaze, ancien chef d’état-major des armées. Il met en évidence la disproportion des forces en présence lors de la destitution du président Djohar : « il n’y a eu aucune forme de résistance de la part de l’armée comorienne alors qu’elle avait un armement considérable ». Sur le financement : « je sais que la France dispose de fonds secrets. D’autres fois, ce sont des pays tiers amis qui payent ». Pour conclure, il rappelle que « Monsieur Denard n’a jamais travaillé en solo. Il ne lui était pas difficile de trouver des volontaires car tout le monde sait qu’il ne réalise que des opérations couvertes ».
Souhaitant mettre « de la clarté dans la confusion », il précise qu’il conteste formellement l’accusation d’association de malfaiteurs en vue de commettre un crime : « à partir du moment où nous avons eu connaissance de la nature et de l’objectif de la mission, notre intention était d’aider les Comoriens à rétablir la légalité constitutionnelle et à libérer les prisonniers politiques, et non pas de commettre un quelconque crime ». « C’est un problème africain », précise-t-il encore. « Nous avons été les déclencheurs mais ce sont les Comoriens qui ont fait l’essentiel du travail ». Un avocat des parties civiles lui demande alors, avec pertinence si la France ne disposait pas de moyens diplomatiques pour faire pression sur les Comores plutôt que d’avoir recours à Bob Denard. Le prévenu lui répond « le moyen diplomatique, c’est nous. Le colonel Denard a très souvent été utilisé comme moyen de diplomatie souterraine de la part de la France ». Pour la première fois depuis le début de ce procès, le procureur n’a pas de question à poser. Au président du tribunal, qui évoque les risques, dont le risque judiciaire, de la participation à une telle opération, le prévenu répond en paraphrasant Audiard : « si j’avais voulu être couvert, je me serais engagé dans la Gendarmerie ». « Le risque judiciaire fait partie des désagréments du métier. C’est le prix de la liberté, c’est le prix de la dignité », précise-t-il enfin. Toujours au président, qui ne comprend pas que Bob Denard ait pu cacher l’objectif de la mission aux membres de l’expédition, il évoque, comme d’autre avant lui, la « culture du secret du colonel ». « C’est aussi une précaution pour garantir la sécurité de ses hommes. On ne peut pas dire ce qu’on ne sait pas, donc on ne peut pas se mettre en danger, ni mettre les autres en danger en ayant trop parlé ».
La question du financement sera à l’ordre du jour de l’audience de demain, mais rappelons d’ores et déjà qu’Eric V. a été mis hors de cause lors de l’instruction. Courte audience aujourd’hui, qui a pris fin vers 17H00 au lieu des 19H30 habituelles. Les caméras avaient pourtant fait leur réapparition, attendant l’hypothétique venue du colonel Bob Denard. Mais le colonel n’est pas venu. Le début de l’audience a été consacré à l’étude du volet le plus confus de l’affaire : le financement de l’opération. « Ça
part dans tous les sens », avait prévenu le président.
Effectivement, les hypothèses ne manquent pas. Les « investisseurs
» auraient pu venir de Hong Kong, de Taïwan, du Japon et
même d’Israël qui aurait pu y trouver un intérêt
du fait du rapprochement du régime Djohar avec des pays islamistes
durs. Sont cités pêle-mêle aussi des milieux gaullistes
par l’intermédiaire de sociétés de philatélie,
un « clan corse », un mystérieux projet « Forbes
» à Anjouan, et même un fils naturel du colonel Denard
qui aurait pu contribuer au financement pour blanchir des capitaux provenant
du trafic de drogue. Curieusement, une hypothèse n’a pas été étudiée lors de l’instruction : et s’il s’agissait tout simplement des fonds secrets du gouvernement ?
Les audiences de
demain seront consacrées aux plaidoiries des parties civiles
(et si bonnes), puis aux réquisitions du procureur, très
en colère aujourd’hui donc probablement très sévère
demain. C’est un coup à finir à trois heures du
matin… Plaidoiries des parties civiles L’ineffable
Larifou se précipite pour ouvrir le bal. Son confrère
M’Changama, qui plaide aussi pour Djohar, commence avec une grandiloquence
qui augure pas mal de la suite, évoquant le président
Djohar « mort dignement sur le champ de bataille judiciaire
». Non. Il est mort chez lui, de vieillesse. Paix à
son âme, mais il ne faut tout de même pas raconter n’importe
quoi. François
Trecourt, avocat du colonel Soihili, a un peu plus travaillé
le sujet. Le dictionnaire de l’académie lui donne une définition
du mercenaire qui, bien que très insuffisante, a le mérite
d’exister et qu’il reformule ainsi « c’est
un homme qui fait la guerre pour de l’argent ». Il
veut s’en prendre au « mythe du mercenaire »
mais ne parvient pas sérieusement à l’écorner. Un avocat comorien,
Maître Ibrahim M'Zimba, ancien ministre des affaires étrangères
du président Taki, vient alors très dignement expliquer
au tribunal les conséquences de la déstabilisation causée
par « cette présence non souhaitée »
qui oblige « les gouvernements de l’archipel à
mettre plus de cinquante pour cent du budget pour réhabiliter
l’image du pays ». Vient le tour d’Eric
Sossah, qui plaide pour l’Union des Comores (le terme «
désunion » serait plus juste). Ineffable depuis le début
du procès, il ne déçoit pas son public. Deuxième partie : réquisitoire du procureur de la République « Monsieur
le Président, chaque jour d’audience vous m’avez
humilié, c’est votre choix », lançait
Olivier Bray, substitut du procureur, au président sidéré,
qui lui répondait aussitôt, sans se départir de
sa dignité : « je n’aurai pas le mauvais goût
de vous répondre ». Chaude ambiance.
Notre ami Larifou n’en rate pas une. Aujourd’hui il avait oublié sa robe d’avocat mais il avait apporté des conclusions pour tenter de réparer la bourde de sa plaidoirie, où il n’avait pas pensé à évaluer ni à justifier le préjudice subi par ses clients. Il réclame un million d’euros, rien que ça, « à titre de provision », précise le président en lisant les conclusions… Le « million symbolique », raillera plus tard un avocat de la défense. Et puis on s’aperçoit qu’il agit, entre autre, au nom des veuves de Saïd Mohamed Djohar, comme s’il pouvait imaginer que des tribunaux français allaient reconnaître la polygamie. En le regardant faire, on en vient à se demander si ce Gaston Lagaffe a déjà gagné un procès dans sa carrière. Après les dérapages du procureur de la République lors de la dernière audience, les premières plaidoiries des avocats de la défense devaient permettre de retrouver la sérénité et de remettre le dossier sur un axe plus conforme à la réalité. Mission difficile, mais parfaitement accomplie. Pas moins de sept avocats sont intervenus au cours de l’audience. Morceau après morceau, ils ont démonté l’accusation. Incisives, précises, concises et documentées, les plaidoiries du jour ont réduit à néant la thèse de l’association de malfaiteurs. Tous les avocats ont en effet constaté qu’il manquait pour étayer cette accusation un élément essentiel : l’élément intentionnel. Nulle part chez aucun prévenu il n’y a jamais eu la moindre intention de commettre un quelconque crime ou un quelconque délit, constatent unanimement les défenseurs. Tous demandent la relaxe pour leurs clients. Il s’avère
également que le commandement de l’autorité légitime,
même s’il n’est pas formalisé par un ordre
écrit, est omniprésent dans cette affaire. « La
France avait un indéniable intérêt stratégique
à la réussite de cette opération »,
répètent plusieurs défenseurs. Et on arrive naturellement à cette conclusion : il n’y a pas de crime, donc il n’y a pas de délit de préparation d’un crime, « donc vous ne pouvez pas entrer en voie de condamnation ». Quant aux demandes des parties civiles, elles s’avèrent toutes irrecevables. Et pendant toute l’audience, le procureur Olivier Bray faisait ostensiblement autre chose, la tête baissée sur ses papiers, semblant n’accorder aucune attention à l’effondrement de son argumentation, à tel point que Thibault de Montbrial, pour lui faire lever la tête, finira par lui jeter « Monsieur le procureur, je ne vous dit pas « les yeux dans les yeux » parce que vous ne me regardez pas ! » La vérité
du jour est d’une clarté absolue : on juge des soldats,
pas des malfaiteurs. « C’est se moquer du monde que de soutenir que la France n’aurait pas été d’accord pour cette opération ». L’avocate de trois des prévenus, dont celui qui a été gravement blessé par l’armée française, attaquait fort et précisait : « les faits confirment que tout le monde était d’accord puisque Monsieur Djohar n’a jamais été remis en place ». Elle précise qu’elle n’a pas soulevé les nullités de procédure à l’époque de l’instruction « car tout le monde était persuadé que cela finirait sur un non lieu ». Regardant ses clients, elle s’exclame : « je ne suis pas d’accord avec le procureur qui les traite de braqueurs ». Un autre défenseur évoque « la preuve par neuf : on s’aperçoit que la destitution du Président Djohar a été entérinée par la France ». Pour lui la France gagne sur tous les tableaux : « En laissant faire Bob Denard, elle sert ses intérêts géopolitiques et elle redore son blason en intervenant contre les mercenaires dans le contexte de la crise des essais nucléaires ». Unanimes, les défenseurs se sont succédés pour demander la relaxe pour « les soldats officieux de la France » ainsi que les a qualifiés Maître Philippe Gérard. Pour lui, la preuve de leur détention illégale par l’armée française a été établie par les débats, ce qui doit aujourd’hui conduire à l’annulation pure et simple de la procédure. L’instruction avait négligé ce volet, qui apparaît aujourd’hui incontestable et incontesté, même par le réquisitoire, pourtant excessif à l’encontre des prévenus, du procureur de la République. Sur l’association de malfaiteurs, il rejoint ses confrères qui ont tous constaté qu’elle n’était pas établie mais se fait plus précis. Passant en revue tous les faits visés par l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, il constate qu’ils ont tous, sans exception, été commis dans les eaux internationales, c’est-à-dire absolument pas sur le territoire français, rendant de fait les tribunaux français incompétents. Plus tard, il disséquera les trois critères nécessaires pour établir l’association de malfaiteurs et prouvera qu’aucun d’entre eux n’est établi. Il rappelle que le Garde des Sceaux lui-même, en saisissant la justice française, avait signalé l’impossibilité de poursuivre d’éventuels délits, limitant les poursuites à des crimes dont il est aujourd’hui avéré qu’ils n’ont pas été commis. En l’absence de Saïd Larifou, Eric Sossah prend alors le départ pour gagner le titre de « roi de la gaffe » du jour. Au mépris des règles de procédure, il coupe la parole au défenseur qui plaide et à se met à invectiver le président du tribunal. Contestant le fait qu’une pièce remise au tribunal n’ait pas été soumise à un débat contradictoire, il s’attire une réponse pour le moins cinglante : « cette pièce a été remise au tribunal par maître Hatem avant les plaidoiries des parties civiles. Il vous était loisible de la discuter lorsque c’était votre tour de parler ». Il faut dire que cette pièce est d’importance, puisqu’il s’agit de la loi d’amnistie votée aux Comores le 2 novembre 1995, qui établit de façon irréfutable l’existence de cette amnistie contestée avec la plus parfaite mauvaise foi par les représentants des parties civiles. Cela n’empêche pas Philippe Gérard de continuer le tir. En quelques mots, il établit l’irrecevabilité des parties civiles, complétant les éléments apportés la veille en ce sens par maître Sylvain Degrace. Ensuite il se penche sur les conditions d’intervention de la France et constate que personne n’a cherché au cours de l’instruction à étudier l’accord de défense du 10 novembre 1978, jusque-là considéré comme le fondement juridique de l’intervention militaire française. Ce document, il l’a retrouvé et il en donne lecture : « les personnels militaires français mis à disposition du gouvernement comorien ne pourront pas prendre part à l’exécution d’opérations de guerre ni de maintien ou de rétablissement de l’ordre ou de la légalité ». En clair, l’intervention française du 4 octobre 1995 était illégale. « Il y a eu des réquisitions hors poursuite », s’insurge-t-il, constatant que le cas d’Eric V., possible financier partiel de l’opération, a occupé « une place disproportionnée dans ce trop long réquisitoire pour quelqu’un qui n’a même pas été poursuivi ». Il regrette enfin que les témoins cités n’aient pas cru devoir venir témoigner. « C’est dommage, j’avais beaucoup de questions à leur poser ! » On veut bien le croire. « De quelles questions avaient peur tous ceux qui se sont défilés ? » « Les
conditions de condamnation ne sont pas réunies. En conséquence
vous prononcerez la relaxe », demande-t-il enfin comme tous
ses confrères l’ont fait jusque-là. « Les
hommes qui sont là, ce sont des hommes d’honneur. Pas des
malfaiteurs ! ». « La volonté
de condamner des gens ne doit pas passer avant les termes de la loi.
» Le ton était donné d’entrée par l’avocate
commise d’office pour défendre l’un de ceux que le
procureur avait qualifié de « bons ouvriers ».
« Je suis convaincue que dans ce dossier on a essayé
de trouver une qualification pénale, mais ce n’est qu’une
idée, qu’un parfum. Si les Comores avaient décidé
de poursuivre l’atteinte à la sûreté de leur
état, je le comprendrais, mais là il s’agit d’une
construction intellectuelle qui vise à les faire punir coûte
que coûte », précisait-elle. Son successeur à la
barre annonçait une plaidoirie courte. Elle le fut. En quelques mots
bien sentis, Solange Doumic établissait alors l’irrecevabilité
des parties civiles. Puis elle s’attaquait à la thèse
de l’association de malfaiteurs, qu’elle réduisait
en miettes, tout comme le réquisitoire du procureur : «
J’ai regretté que pendant les 4 heures 30 de réquisitoire
Monsieur le procureur n’ait pas pris un par un les éléments
pouvant accréditer la thèse de l’association de
malfaiteurs. […] Je n’ai pas compris pourquoi le procureur
mettait à charge des éléments qui sont issus de
son imagination fertile. » « Il y
a un paradoxe extraordinaire à venir vous demander de juger des
faits que l’Etat dans lequel il ont été commis ne
veut pas juger et pour lesquels il a pris une loi d’amnistie qui
éteint définitivement l’action publique ».
Olivier Lagrave relevait les contradictions et les paradoxes du dossier.
« Le cynisme d’état, vous ne le découvrez
pas aujourd’hui et moi non plus », lançait-t-il
à l’adresse du tribunal. Dans une longue
plaidoirie, Elie Hatem, défenseur du colonel Denard, apportait
l’éclairage qui permettait de donner au dossier sa véritable
dimension : « il s’agit d’une question politique
et non pas d’une question de droit commun ». C’est alors
qu’Eric Sossah laissait éclater son talent de comique judiciaire
« Je représente ici l’Etat unitaire composé
de trois îles parfaitement indépendantes ».
Comprenne qui pourra… Mais la vraie fin
allait être beaucoup plus digne. Les prévenus ayant la
parole en dernier, le capitaine Jeanpierre, ancien de la Garde Présidentielle
comorienne, se levait et, se faisant le porte-parole de ses camarades,
clôturait ainsi le procès : « Je ne voudrais
pas sortir du tribunal avec des regrets, donc je vide mon sac. Je suis
un soldat. Tout ce qui se passe ici me dépasse un peu. J’assume
ce que j’ai fait et ce que je regrette, c’est que nos hommes
politiques n’aient pas notre honneur et notre courage. ».
Le jugement sera rendu le 20 juin 2006 à 13H30.
Condamnation de principe : la (censuré) continue. Introduction censurée par le Webmaster. (l'article 434-25 du Code pénal sanctionne le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.) Au XXIeme siècle en France la parole est très loin d'être libre. Les motivations du jugement valent le détour. Morceaux choisis (les « […] » indiquent des coupures réalisées pour alléger la lecture sans altérer le sens du texte) : Page 27 : Page 28 : Page 29 : Page 30 : Page 31 : Avec de tels attendus, la relaxe s’imposait. Mais non : en contradiction flagrante avec ce qui précède, « tous les prévenus seront donc déclarés coupables de l’infraction qui leur est imputée ». En résumé, on condamne des soldats pour épargner les politiques. La gêne est manifeste au paragraphe des sanctions (page 32), qui « devront tenir compte […] du fait qu’il est incontestable qu’ils avaient reçu sur place une large approbation des responsables politiques de l’opposition et d’une partie importante de la population, du fait que les autorités françaises les avaient entérinés, du fait qu’ils avaient été amnistiés par la loi comorienne, encore aujourd’hui en vigueur, du fait que les poursuites engagées en France faisaient suite à de multiples et graves irrégularités de procédure qui auraient pu en faire mériter l’annulation, du fait que les prévenus n’avaient pas obéi à des motifs crapuleux […] » Sont alors prononcées des peines de prison avec sursis, quasiment toutes assorties de la non inscription au casier judiciaire. Une condamnation de principe qui, sans satisfaire les parties civiles, révolte les prévenus qui, eux, s’opposent fermement au principe d’une condamnation. Quant aux parties civiles, la demande du militaire comorien blessé par ses « camarades » est déclarée irrecevable, l’Union des Comores reçoit un euro symbolique de dommages et intérêts et 20 000 euros pour les frais de procédure. Les ayants droit de Saïd Mohamed Djohar sont déclarés irrecevables dans leurs demandes de réparation de prétendus préjudices personnels. En revanche leur demande de réparation du préjudice subi personnellement par Saïd Mohamed Djohar est déclarée recevable et son examen renvoyé ultérieurement Conclusion censurée par le Webmestre.
30 juin 2006- Appel du parquet Toujours
plus haut, toujours plus fort, c’est la loi du cirque : « Je n’ai pas confiance dans la justice de mon pays », déclarait un compagnon d’armes de Bob Denard après le jugement, avant de préciser son intention d’obtenir réparation par d’autres voies que celles de la justice française. Le parquet vient, malgré lui, de confirmer la pertinence de cette analyse. Le 30 juin, le parquet a fait appel du jugement contre le colonel Bob Denard. Le sursis ne lui suffit pas, il veut envoyer le colonel Denard en prison. Cet appel vise le colonel Denard mais pas ses hommes, ce qui est perçu comme un artifice visant, sans succès, à rompre leur solidarité. Pour méprisable qu’elle soit, cette décision révèle un embarras profond. On aurait pu comprendre
que le fond du jugement soit attaqué car il établit l’implication
totale des responsables politiques français : « […]
les responsables politiques l’avaient nécessairement
voulu ainsi » (extrait du jugement). On aurait pu éventuellement comprendre que les « responsables politiques », dans une ultime manipulation, refusent que soit ainsi établie « au nom du peuple français » leur responsabilité dans la manipulation dont ont été victimes aussi bien le colonel Denard et ses hommes que l’armée française et le peuple comorien. S’ils l’acceptent, c’est qu’elle est incontestable, même devant leur justice. Mais ce qui est attaqué, c’est uniquement le sursis accordé au colonel Denard, au prétexte qu’il avait déjà été condamné en 1993 à une peine de prison avec sursis. Il faut pour les « responsables politiques » une victime expiatoire qui porterait le poids de leurs fautes et de leur honneur perdu. Ils veulent faire mourir le colonel Denard en prison. En exergue de son
livre « Corsaire de la République », Bob Denard avait
porté cette célèbre citation d’Alexandre
Sanguinetti, rappelant que le guerrier est « un seigneur,
puisqu'il accepte encore de mourir pour des fautes qui ne sont pas les
siennes ». Cette phrase prend aujourd’hui tout son
sens. En guise de conclusion provisoire lire : autopsie d’une manipulation.
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