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BLOG DU PROCES
 
 Le compte rendu des audiences
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"Dans quelques semaines, le corsaire sera jugé mais pas la république qu'il a "défendue" durant 40 ans. Comme d'habitude, Bob Denard jouera le rôle de l'arbre qui cache la forêt. Mais qui demandera à la France de répondre de ses propres actes." - Lisa Giachino et Kamal' Edine Saindou journalistes au journal comorien Kashkazi 27/10/2005 page 13.

Audience du 21 février - Audience du 22 février - 23 février - 24 février - Audience du 27 février - Audience du 28 février - Audience du 1 mars - 02 mars - Audience du 6 mars Audience du 7 mars - Audience du 8 mars - Audience du 13 mars - Audience du 14 mars - Audience du 15 mars

Jugement du 20 juin - 30 juin 2006 : appel du parquet

« Quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on se dit qu’on a bien raison de penser ce qu’on pense ». Olivier Bray, procureur de la République

Audience du 20 février 2006

Coup de théâtre avant même le début de l’audience : le colonel Bob Denard, annoncé absent en raison de son état de santé est là. Malade mais bien présent. Le vieux soldat, qui peine à reconnaître ses compagnons d’armes, qui éprouve de visibles difficultés à se déplacer, a absolument tenu à se présenter devant ses juges, comme un défi à l’ingratitude dont font aujourd’hui preuve les autorités françaises à son égard.

L’image qui restera de cette première audience est celle du courage de ce vieux soldat qui, aujourd’hui, mène son dernier combat. Pour l’honneur.

Le président du tribunal commence alors l’examen de conclusions « in limine litis » présentées par Maître Philippe Gérard, avocat de trois prévenus, constatant l’incompétence du tribunal correctionnel. Et là, deuxième surprise de ce procès, il apparaît avec évidence que ces conclusions sont fondées. En substance, Maître Gérard établit que l’information judiciaire n’aurait pas pu être ouverte sous sa qualification actuelle et constate l’incompétence du tribunal correctionnel. « J’ai l’honneur de vous demander de mettre un feu rouge à ce procès », déclare-t-il.
Un certain Saïd Larifou, politicien comorien lui-même compromis dans une tentative de coup d’état en 2003, (Afrik.com) disant représenter le président déchu Djohar alors même que celui-ci s’était préalablement purement et simplement désisté, se lance alors dans un discours plus proche du meeting électoral que de la discussion de conclusions. Le Président le reprend courtoisement : « Je ne vous demande pas de plaider au fond, vous pourrez le faire plus tard, mais de donner des arguments juridiques ». Mais Saïd Larifou n’a pas d’arguments juridiques et prononce cette phrase qui sonne comme un aveu d’impuissance « Je ne pense pas qu’il faille se servir de ce dossier avec une rigueur juridique stricte ». Un ange passe et largue sur l’assistance un code de procédure pénale…
Un autre avocat des parties civiles, dont l’histoire ne retiendra probablement pas le nom, reconnaît l’existence de dispositions d’amnistie aux Comores mais conteste la validité du gouvernement qui les a prises, oubliant que le décret a été suivi d’une loi, avant de reconnaître, lui aussi, qu’il n’a pas d’argument juridique valable : « C’est vrai que pour la beauté du droit on est prêt à tout sacrifier ». Du tac au tac, le président lui répond : « vous verrez si nous sommes ou non des esthètes ».

Le procureur, enfin, salue la pertinence des arguments développés par Maître Gérard et se contente de demander de joindre l’incident au fond, ce qui revient à dire que le jugement concernant l’exception d’incompétence sera rendu à la fin du procès, en un seul et même jugement que sur le fond de l’affaire. Tout le monde a déjà compris que la procédure avait du plomb dans l’aile.

Une cohorte d’avocats de différentes parties civiles (on ne comprend d’ailleurs pas très bien qui défend qui) tente ensuite sans succès de contester l’expertise médicale qui conclue à l’inaptitude du colonel Denard et s’affrontent sur des demandes contradictoires. Certaines demandent une contre expertise, les autres demandent de passer outre l’expertise et de forcer le malade à comparaître.
Saïd Larifou, toujours le même, en perd ses mots lorsqu’il tente piteusement de prononcer des termes médicaux qu’il ne semble ni connaître ni comprendre : « encépathique, encéphatique, ah non, encéphalique… ».
Maître Elie Hatem, avocat du colonel Denard, met tout le monde d’accord en précisant qu’il n’est pas par principe opposé à une nouvelle expertise, sachant que celle-ci ne pourra que confirmer la première. CQFD.

Le tribunal se retire pour délibérer. Comme attendu, l’exception d’incompétence est jointe au fond, la demande de contre-expertise et celle de comparution forcée sont rejetées.

Le président commence alors l’examen des faits. Après une synthèse de l’histoire des Comores entre 1975 et 1995, il constate que le Président Djohar avait été destitué par la cour suprême comorienne le 3 août 1991 pour détournements de fonds, divers trafic et népotisme, et qu’il s’était maintenu au pouvoir par la force avec le soutien de deux officiers français de la DGSE. « Ces faits constituent un véritable coup d’état », tire-t-il d’une lettre du président de la cour suprême Ibrahim Halidi. Il constate ensuite que « Djohar avait menacé la France, si elle n’augmentait pas sa contribution au budget comorien, de s’allier avec l’Iran et avec la Lybie, états qui à l’époque étaient considérés comme paraterroristes ». Tout le monde comprend alors ce qui a poussé les services français à mettre fin à leur soutien à Djohar et à laisser faire l’opération Kashkazi…

Interrompu à plusieurs reprises par Saïd Larifou, de plus en plus agressif au fur et à mesure que se dessine l’évidence du bien fondé de l’opération commandée par Bob Denard, le président garde son calme et lui rappelle qu’il aura toute latitude pour présenter ses arguments lors de sa plaidoirie.

Vient alors l’examen des enquêtes menées en Norvège et aux Pays-Bas, où le bateau utilisé par Bob Denard a été acheté puis équipé, puis le voyage vers Tenerife, puis le départ du Vulcain vers les Philippines, puis le changement de cap et l’annonce en pleine mer par le colonel Denard du véritable but de l’opération, alors qu’il n’est plus possible pour personne de faire demi-tour « a moins de nager plusieurs milliers de kilomètres », précise le président.

Par touches successives, le président éclaire un nouveau volet de l’affaire. Il apparaît au fur et à mesure que la mission de recherche archéologique proposée par Bob Denard à ses hommes était crédible, réduisant à néant la thèse de l’association de malfaiteurs. Mieux encore, il constate que les rares équipements achetés en France l’ont été par quelqu’un qui a depuis bénéficié d’un non lieu dans cette affaire et dont le rôle était purement et simplement celui d’un marin.

Au-delà des questions de procédure, il devient clair que l’accusation aura du fil à retordre.

Le récit du coup d’état en lui-même est de la même veine. On s’aperçoit que les Comoriens en sont les acteurs principaux, que l’armée comorienne disposait d’un armement et d’un effectif incomparablement plus puissants que celui des « mercenaires », que les portes de la Présidence de la République comorienne ont été ouvertes par l’officier français de la DGSE chargé de sa protection, que la DGSE avait elle-même conçu puis annulé une précédente tentative de coup d’état avec un certain Patrick Olivier qui avait recruté une cinquantaine de Croates à cette occasion, que Bob Denard a protégé le président déchu Djohar « de la foule qui aurait voulu lui demander un certain nombre de comptes ».
Plus le président avance dans la synthèse du dossier, plus la thèse de l’association de malfaiteurs s’éloigne. Il évoque même le « no man’s land juridique » dans lequel ont été plongé les hommes de Bob Denard pendant onze jours, entre leur arrestation par l’armée française et l’ouverture de l’information judiciaire : auditions sauvages, humiliations, vols d’effets personnels, pillage systématique de tout l’appareillage que contenait le Vulcain,… La liste s’allonge et Saïd Larifou, décidemment en campagne électorale, perd son sang-froid. Il se met à hurler en mettant en cause la façon dont le président conduit l’audience, achevant de se décrédibiliser sous le regard consterné de l’assistance.

Viennent alors les témoignages des coopérants français recueillis sur place. Edifiants. Tous font état du fait que la majorité des acteurs du coup d’état étaient des soldats comoriens. Certains évoquent une fusillade à Radio Comores qui leur a fait très peur. Oui, vous avez bien lu : des militaires français se plaignent de troubles psychologiques parce qu’ils ont entendu siffler des balles ailleurs que dans un champ de tir ! Consternant. On comprend mieux ce qui peut pousser des hommes épris de causes justes et d’aventure à rejoindre les rangs de Bob Denard…

Un homme se présente alors à la barre en boitant de façon exagérée. C’est le colonel Soihili, blessé en 1995 lors des échanges de tir entre Comoriens à Radio Comores et sauvé par les soins prodigués par le commandant Marquez, compagnon de Bob Denard. Il se constitue partie civile. Sans un mot de remerciement pour le commandant Marquez, il dit qu’il est chef d’état-major de l’armée comorienne et qu’il est arrivé en France samedi. Mais dans la salle il se murmure qu’en fait il vit et travaille en France… Où est la vérité ?
Questionné par les différentes parties prenantes, il paraît plus sincère en reconnaissant à propos du coup d’état que « cela n’aurait pas pu se passer s’il n’y avait pas eu de Comoriens pour le faire ».

 

Audience du 21 février 2006

Les caméras avaient déserté le palais de justice de Paris pour la deuxième audience du procès Denard. C’est donc dans une ambiance beaucoup plus sereine que les débats ont repris, mardi 21 février à 13H30.

A l’ouverture de l’audience, le président demande si Jacques Dewatre, témoin dont l’audition a été demandée par la défense, est présent. Un petit flottement et puis non, le témoin n’est pas là. Le soulagement se lit sur les visages des avocats des parties civiles. L’audition de Jacques Dewatre, patron de la DGSE à l’époque de l’opération Kashkazi, était en effet redoutée par ceux qui auraient aimé accréditer la thèse d’une action crapuleuse montée uniquement par Bob Denard et ses hommes. Le soulagement sera de courte durée, car on s’aperçoit bien vite que le dossier suffit à établir l’évidente implication des services français.

Pièce après pièce, le président du tribunal donne lecture des multiples témoignages recueillis au cours de l’instruction : journalistes, chefs d’entreprises, agents et dirigeants des services secrets, hommes politiques comoriens, l’organisateur d’un projet de coup d’état aux Comores démonté par la DGSE en mars 1995, et même le ministre de la coopération de l’époque, sans oublier la déclaration –accablante pour la France – du principal intéressé, recueillie à la Réunion par la juge d’instruction en charge du dossier. Et la vérité apparaît, incontestable, par éclairages successifs. Bob Denard était « traité » par le SDECE, puis la DGSE. Le coup d’état était voulu par de nombreuses personnalités comoriennes, dont certaines avaient informé la cellule africaine de l’Elysée et le ministère français de la coopération. La DST avait même été informée par un chef d’entreprise du fait que Bob Denard cherchait à acheter un avion.

Et en rassemblant les faits établis par ces témoignages, on en arrive aux constats suivants : la garde rapprochée de Saïd Mohamed Djohar était commandée par un cadre de la DGSE, le capitaine Rubis ; ses services de renseignements étaient dirigés par le lieutenant-colonel Kister, de la DGSE. Et jamais ces hommes ne l’ont informé de l’existence puis du démontage d’un projet de coup d’état à son encontre en mars 1995 : « Je n’avais aucune information », « mes services de renseignements étaient dirigés par les Français », « à aucun moment M. Kister ne m’a alerté », déclarait-il à la juge d’instruction.

Mieux encore : on apprend de la bouche même d’un participant à l’opération Kashkazi qu’il avait travaillé sous les ordres de l’adjudant Rubis (devenu temporairement capitaine aux Comores) au 11ème Régiment Parachutiste de Choc, le régiment du « service action ».
Et toujours plus fort : « le capitaine Rubis a ordonné aux gardes de ne pas riposter ». Ces mots sont du président Djohar lui-même.

Mais le coup de grâce viendra du propre fils de Saïd Mohamed Djohar, venu se constituer partie civile et défendre – fort dignement – l’honneur de son père. Pressé de questions, il finit par lâcher : « c’est l’association de Bob Denard avec les services français qui a permis tout cela ». Auparavant, il avait déclaré que son père était « parti à la Réunion pratiquement en pyjama », qu’il avait « transité par l’ambassade de France où il a demandé à voir sa femme et ses enfants et on lui a interdit ». Et le fils du président déchu ne s’arrête plus : « je suis allé le voir à la Réunion quand il était en résidence surveillée », « il y avait un gendarme qui était là en permanence », et enfin « de lui-même il n’aurait pas pu repartir aux Comores parce qu’il y avait un gendarme qui le suivait partout dans tous ses déplacements ».
Un ange gardien, lourdement armé, survole la salle à basse altitude…

Tout le monde a compris que l’armée française n’avait pas « libéré » le président Djohar.

« Ne m’appelez plus président », lance le président du tribunal pour détendre l’atmosphère, « parce qu’on se fait destituer… ».

La seule chance d’arrêter le massacre pour Saïd Larifou, visiblement sonné, réside dans l’examen de conclusions qu’il a présentées, visant à obtenir un supplément d’information. Las ! La réponse du procureur de la République est cinglante : non. En dix ans d’instruction, on a largement fait le tour de la question. L’incident est joint au fond, comme le veut la loi, mais le sort de cette demande est clairement réglé.

Demain, le tribunal commence l’interrogatoire des prévenus. Ils s’attendent à être sérieusement malmenés par un président sans complaisance mais semblent particulièrement sûrs de leur bon droit. A suivre.

Audience du 22 février 2006

A la demande d’un avocat de la défense, le président du tribunal appelle à nouveau le témoin Jacques Dewatre. Absent. « Les témoins ne se précipitent pas », commente-t-il. Il est vrai que, parmi les responsables politiques et militaires en place à l’époque des faits, aucun témoin ne s’est encore présenté après trois jours d’audience.

Aujourd’hui, le tribunal attaquait « dans le bois dur », avec les premiers interrogatoires des participants à l’opération Kashkazi.

Pour commencer, il examinait les déclarations des trois morts, : Gérard T, Thierry TT et François R, tous trois décédés depuis l’opération dans des circonstances différentes.
Face aux gendarmes et à la juge d’instruction, leurs déclarations étaient unanimes : tous affirmaient que l’opération était réalisée avec l’aval des autorités françaises. Aucun ne comprenait l’intervention démesurée de l’armée française alors que tout allait bien et qu’ils ne devaient pas rester sur place.
A Thierry TT, le lieutenant-colonel Kister, chef de poste de la DGSE à Moroni, avait dit : « on travaille pour la même boîte mais vous vous travaillez sans filet alors vous allez en baver ». A François R, la même chose ou presque, ce qui prend un certain relief lorsqu’on apprend que François R était lui-même un « jeune ancien » du 11ème Choc (service action de la DGSE)…

Voyant que l’affaire s’engageait à nouveau dans un sens favorable aux prévenus, le procureur tentait d’emblée d’infléchir le cours du procès en s’en prenant à un prévenu présent à partir d’une phrase ambiguë d’un des défunts sur des fréquentations politiques communes. Il s’attirait une réponse courtoise mais ferme : « Ce n’est pas un procès politique, même si par bien des aspects ce pourrait être le procès de la politique ».

L’interrogatoire de D. B confirme en tous points le récit des faits effectués lors des deux premières audiences même si, le temps passant, les souvenirs peinent à remonter à la surface. Sous les assauts du procureur qui tente de le déstabiliser, il ose à peine prononcer : « Onze années depuis les faits, c’est très long. On essaie d’oublier. Des amis m’ont tourné le dos, je suis resté longtemps sans travail à cause de cela. Vivement que ce procès se termine. »

S.B, plus prolixe, raconte par le menu comment « Stanislas », le capitaine Rubis, a ouvert les portes de la présidence de la république et interdit à ses hommes de tirer. Il précise aussi que « pour les Comoriens ce n’était pas un coup d’état, c’était vraiment une libération ».
Il relate le voyage en bateau. Epique. : « Nous avons essuyé deux tempêtes où nous dormions dans nos cabines avec des gilets de sauvetage ».
Il précise comment « le colonel Denard a convaincu les Comoriens de ne pas agir contre l’armée française ».
Il évoque son « arrestation abusive et sa séquestration par l’armée française » mais, pas rancunier, il déclare sincèrement « si mon pays a encore besoin de moi, je suis prêt à le servir à nouveau ».
Au procureur qui tente maladroitement de reconstituer un prétendu entraînement en Zodiac au milieu de l’océan, il répond : « Vous inventez, Monsieur le procureur, nous avons fait des essais de Zodiac uniquement parce que le bateau était en panne. Il n’y a pas eu de répétition. ».
A la question d’un avocat sur le salaire qu’il a touché, il réplique en paraphrasant Surcourf « Chacun se bat pour ce qu’il n’a pas. Pour certains c’est l’honneur, pour moi c’est l’argent ! ». Un autre avocat reprend la balle au bond : « nous touchons bien des honoraires ! ». Le président conclut l’échange en constatant que « toute peine mérite salaire ».
Et le débat repart sur la couleur des feux : « en France le feu orange c’est une interdiction. Aux Etats-Unis, il annonce le feu vert… », rappelle le prévenu. Jolie leçon de relativité…

Le docteur P. G, médecin du bord, rapporte alors avec émotion les « conditions de détention effroyables des prisonniers comoriens libérés par Bob Denard à qui la nourriture était donnée dans la même cuvette que celle qui servait aux excréments ».

A la présidence, où il avait été appelé pour soigner l’épouse du président Djohar, victime d’une crise d’asthme, « ce que j’ai constaté sur place, c’est effectivement une foule en liesse qui acclamait les mercenaires ».

De l’émotion aussi, mais beaucoup de retenue, lorsqu’il évoque les conditions de sa propre détention et les sévices qu’il a subis sur le Floreal, frégate de surveillance française à bord de laquelle il avait été transporté après avoir rejoint l’ambassade de France pour un accompagner un coopérant militaire victime d’un malaise : « après une nuit attaché à fond de cale, secoué et menacé de mort, on est déjà bien fatigué. » Il révèle alors : « le commandant du Floreal me menaçait de me jeter par-dessus bord ». Maître Christophe Grignard, avocat d'un des prévenus, demande innocemment"« Il y a un officier de police judiciaire à bord d’un bateau militaire français ? »
L’ange du jour qui passe à ce moment-là part à tire d’aile chercher du renfort.

Enfin le docteur P.G évoque ainsi les premières heures de son retour en France : « A la descente de l’avion on nous a notifié notre garde à vue. Nous n’étions pas en état de répondre. Certains avaient cessé de s’alimenter. Aux Comores nous avons réclamé à cor et à cri d’être entendus par un avocat, ce qui nous a été refusé. J’ai fait une lettre au consul pour lui dire que cela paraissait dangereux de maintenir ainsi trente personnes épuisées en détention dans une si petite pièce ».

Ce volet « oublié » de la procédure pourrait bien peser lourd dans les débats à venir. Car cette garde à vue sauvage a duré onze jours. Pas mal au pays des droits de l’homme…

Reprise des audiences le lundi 27 février. D’ici-là, le blog continue avec notamment un entretien exclusif et particulièrement édifiant avec le lieutenant M, un des prévenus dans cette affaire. A demain.

Jeudi 23 février 2006

Apprenant le décès de Saïd Mohamed Djohar, mercredi 22 février 2006, nous décidons de procéder à une journée de silence en signe de respect.
Rappelant que Saïd Mohamed Djohar avait offert son exemplaire du Coran dédicacé au volontaire belge qui l’avait protégé après sa destitution, nous appelons chacun à avoir une prière pour sa mémoire.


Paix à son âme.

Vendredi 24 février 2006


A l’issue de l’audience du 22 février, nous avons rencontré un des prévenus, le lieutenant M qui nous a présenté son analyse du déroulement du procès.


Quelles sont vos premières impressions sur ce procès ?

Ce procès me semble démesurément long, pour une affaire somme toute assez simple et que l’on pourrait résumer ainsi : mission accomplie.

J’ai l’impression que nous sommes vraiment des clients atypiques pour le tribunal. D’habitude ils ont en face d’eux des vrais délinquants. Et là c’est tout le contraire.

Il m’a surtout semblé jusque-là que le procureur avait du mal à trouver ses marques. Visiblement, il a compris que des ombres planaient au dessus de ce procès et que la vérité serait très difficile à trouver. Il remplit sa mission du mieux qu’il peut, mais je n’aimerais pas être à sa place car dans cette affaire il a le mauvais rôle.


On dit que vous auriez eu un « feu orange » des autorités françaises.

On parle beaucoup depuis trois jours de la couleur des feux. Pour moi, le feu orange ce n’est qu’une précaution oratoire utilisée par le colonel Denard qui s’est toujours gardé de compromettre les services français. Mais là cela est porté sur la place publique. La vérité dans cette affaire n’est pas orange et elle est beaucoup plus simple que tout ce qu’on peut lire ici ou là.

Pour une affaire aussi sérieuse, c’est « Go » ou « No Go ». Il n'y a pas de position intermédiaire.

Quelque temps avant l’opération Kashkazi, il y a eu un « No Go », en mars 1995, pour démonter une opération prévue avec des Croates. Cela a été clairement établi par l'instruction. Heureusement cette opération a été stoppée, car cela aurait été un véritable carnage.
Mais pour nous, c’était clairement « Go ». Sinon comment expliquer que notre opération n’ait pas été démontée alors qu'elle était clairement connue? Je rappelle qu'à ce stade du procès il apparaît qu'au moins deux membres de l'opération étaient de "jeunes anciens" du service action de la D.G.S.E et que la D.S.T. avait été informée dès le mois de mai 95 par un "indicateur" contacté par Robert Denard.

Le public apprend depuis trois jours beaucoup de détails qui confirment que les services sont mouillés jusqu’au cou… d’état, si j’ose dire.

Je trouve regrettable que ce procès soit l’occasion de mettre ce genre de choses sur la place publique. La gestion de ce dossier manque singulièrement de cohérence.

Les débats ont apporté des révélations incroyables sur le comportement de certaines unités françaises engagées dans l’opération Azalée. Vous en voulez à l’armée française ?

Je n’en veux pas à mes frères d’armes qui ont débarqué après nous. En revanche, il y a quelque part à l’état major quelqu’un qui est un véritable criminel. C’est celui qui a établi l’ordre initial du débarquement français, où la situation a délibérément été présentée de façon mensongère aux soldats français, leur faisant croire que "les mercenaires" étaient des Libanais, des Iraniens, des Sud-Africains. A aucun moment il n'a été fait mention de notre origine réelle, les consignes d'ouverture du feu ont été : feu à volonté. (Nous recherchons des témoignages sur ce sujet - le webmaster-) C’est ainsi qu’ils ont flingué sans sommation des journalistes, des civils, et même au moins une femme, la femme du directeur comorien de l’aéroport qui tentait de se cacher lorsqu’ils sont arrivés. Notre ami D.G. s'est fait prendre à partie sans sommation alors qu' il se rendait en véhicule, avec des soldats comoriens, à l'aéroport d'Hahaya. Grièvement blessé par des tirs de roquettes et d'armes automatiques il a été laissé plusieurs heures sans soins.
On peut voir dans la presse un soldat comorien abattu, le corps pendant à l’extérieur d’une Renault 4, présenté comme un rebelle. Il s’agissait en fait d’un caporal de la CCS, électricien, qui allait chercher sa femme pour la mettre à l’abri. Son seul tort a été d’habiter trop près de l’ambassade de France.
Mais il ne faut pas oublier que certaines unités de l’armée française, se rendant compte qu’elles avaient été manipulées, se sont en revanche très bien comportées. Beaucoup de paras nous ont demandé ce qu'il fallait faire pour rejoindre nos rangs...


Mais tout de même, vous avez attaqué un pays pour en chasser le Président !

Il faut bien comprendre que, à une petite trentaine et très faiblement armés, nous n’aurions eu tactiquement aucune chance d’atteindre nos objectifs et même de nous en sortir vivants, si le risque d’une confrontation avec l’armée comorienne avait existé. Sans les Comoriens, ce coup d’état était inenvisageable. Ce sont les Comoriens qui ont fait ce coup d’état. Nous n’avons fait que donner le signal de départ. Quelques jours après notre débarquement 500 militaires "putschistes" ont défilé sous les acclamations de la population.

J’ai d’ailleurs appris au cours des premières audiences que des tractations avaient eu lieu entre les principaux leaders politiques comoriens, et que c’est d’un commun accord, avec l’appui du ministère français de la coopération et après avoir exploré d’autres pistes qu’ils sont allés trouver le colonel Denard. Et ils ont eu raison de le faire car il n’y a que lui qui pouvait réussir cette opération sans que cela ne tourne au bain de sang.

J’ai d’autres choses à dire, mais par courtoisie j’en réserve la primeur au tribunal. Rendez vous à la fin des audiences.

Audience du 27 février 2006

L’audience du jour a apporté son lot de confirmations et de révélations

Plusieurs interrogatoires au menu, au cours desquels le président utilise toujours le même mode opératoire : curriculum vitae, lecture des comptes rendus des examens psychiatriques et médico psychologiques, résumé des déclarations. Puis il donne la parole au prévenu, le « cuisinant » sans ménagement avant de passer le relais aux parties civiles, puis au ministère public et enfin à la défense.

Haut en couleur, D. F., une tête de corsaire, un anneau dans l’oreille gauche, d’origine néerlandaise mais « plus méditerranéen que nordique », résume l’affaire avec bonhomie.
Pour lui, « l’opération à laquelle il a participé a « servi à aider les militaires comoriens ». « On y serait allés avec des bouquets de fleurs, cela aurait été pareil », complète-t-il. Et il se souvient : « Les gens nous acclamaient. J’ai eu l’impression d’avoir libéré le pays ».
Opportunément, il rappelle que « le président Djohar n’a pas été séquestré mais protégé contre son peuple ».

Plus grave, il évoque le fait que « les gens qu’on a sorti de prison étaient dans un état lamentable » et ne parvient pas à oublier que « l’armée française a tiré sur des véhicules, des civils, des journalistes ».


Déposition très sobre pour S.B., ancien de Saint-Maixent, qui a participé à cette mission parce qu’il avait la certitude qu’elle s’inscrivait « dans le cadre des intérêts français ». Il évoque aussi, comme un mauvais souvenir, le revirement des autorités françaises et les conditions de sa détention, sans statut légal, par l’armée française : « Je me souviens avoir signé des papiers portant l’en-tête de la gendarmerie comorienne mais établis par des militaires français ». Ou encore : « par l’intermédiaire du vice-consul de France, nous avons demandé d’être assistés par un avocat mais cette demande n’a pas été honorée. »
Nul ressentiment dans ses déclarations. Des faits, implacables, que personne, pas même le ministère public, ne songe à contester. « S’il y avait eu un feu rouge, il n’y aurait pas eu d’opération », fait-il remarquer.
« C’est le propre des Etats de mener ce type d’opérations », termine-t-il un brin fataliste.


G.C., lui, fait l’effet d’un martien à la barre. Cheveux longs, une barbe qui lui donne un visage christique, il reconnaît volontiers avoir « subi les éléments », évoquant ainsi son débarquement : « je me suis senti catapulté sur une plage. J’ai débarqué grâce à Dieu, au petit bonheur la chance ».
Une immaturité certaine transparaît du personnage, mais aussi une bonne dose de sympathie. Avec de visibles difficultés d’élocution qu’il parvient cependant à surmonter, il évoque ainsi le « métier » qu’il a pratiqué pendant quelques jours : « je me suis dit : voilà G., le métier parfait ; mercenaire, par principe, on travaille par à coup, comme à la pêche à la crevette ». Il se définit comme « aventureux, pas aventurier » et reconnaît : « je n’ai jamais été professionnel de ma vie ».
Son témoignage prend un tour pathétique lorsqu’on découvre que son père, ancien lieutenant-colonel de l’infanterie coloniale, l’a déposé à l’aéroport avec cette recommandation : « fais attention aux tiens, aux tirs qui viennent de l’arrière ! ». Il ne croyait pas si bien dire…
« Finalement, c’était une bonne aventure », conclut-il avec philosophie.

« Je ne regrette rien », avait déclaré P. C. au psychiatre. Ancien légionnaire, il avait tout de suite compris que « si c’est monsieur Denard qui est derrière cette opération, c’est forcément une mission couverte ». Pour lui, « feu orange, cela signifie que Bob Denard a l’aval des autorités françaises en parole mais pas en écrit ».
Avec bon sens, il fait remarquer aux parties civiles : « si cette opération n’était pas couverte, pourquoi le président Djohar n’a-t-il pas été rétabli dans ses fonctions par l’armée française ? »
Cette question semble agacer le tribunal dont une représentante lui demande de ne pas répondre par des questions mais en donnant son appréciation personnelle. Il est alors affirmatif : « j’ai participé à une opération qui était couverte ». « Pour moi l’armée française qui intervenait c’était en quelque sorte une relève qui arrivait ». Les militaires français qui l’ont jeté menotté et cagoulé à fond de cale du Floreal n’étaient pas de cet avis…

Sous les assauts du ministère public qui tente de lui faire dire qu’« on » lui a indiqué ce qu’il devait déclarer, il répond clairement : « Non ! C’est ma version des faits à moi. Elle est ce qu’elle est, mais c’est la mienne ! ». Le procureur n’en tirera pas plus…


O.F. attaque tout de suite dans le vif du sujet : « J’ai été membre de la DGSE ».On le savait depuis l’audience du 21 février mais il se fait plus précis « j’ai participé à une opération légitime qui servait les intérêts des Comoriens et de la France ». Il est formel : le mode opératoire de son recrutement porte la marque des « services ». Son interlocuteur savait tout de sa carrière militaire.
Le président s’insurge : « Mais pourquoi n’en n’avez-vous pas parlé à vos anciens chefs ? »
Très « service-service », il répond : « C’est une opération secrète. Le fait d’en parler à quelqu’un d’autre, c’est forcément trahir le secret de l’opération » et rappelle que « même entre camarades de chambrée on ignore les opérations qu’ont réalisé les autres ».

Le président tente alors de lui faire dire qu’il avait un compte à régler avec la DGSE suite à son départ du 11ème Choc. Sûr de lui, O.F. dément fermement et évoque le nécessaire cloisonnement des services secrets. « Je vois ce que vous dites, ça parait cohérent alors », finit par reconnaître le président.

« Je ne crois pas au hasard », poursuit le prévenu. « Nous étions deux anciens de la DGSE, F.R. [décédé, note du webmaster] et moi, donc cela ne peut pas être un hasard. »

Est alors évoquée par un avocat des parties civiles une possible manipulation, sur place, du capitaine Rubis, chargé de la sécurité du président. Il apparaît alors avec évidence que si O.F. et F.R. ont été recrutés, c’est précisément parce qu’ils avaient travaillé tous les deux sous les ordres de « Stanislas », pseudonyme de Rubis, au 11ème Choc et que cela permettait de s’assurer du comportement compréhensif de l’intéressé sans avoir à le prévenir officiellement avant l’opération.
« Moi, je vais me contenter de manipuler le micro », lance alors le président pour dégeler l’atmosphère qui s’est brusquement figée.

Le procureur tente ensuite sans succès d’établir que d’autres que des membres de la DGSE auraient pu connaître le profil militaire de l’intéressé. « Non ! Pas les opérations dont on m’a parlé », répond-il avec une évidente sincérité.
« Mais alors pourquoi ne pas avoir parlé de cela plus tôt ?», s’exclament le procureur et le président. « Je pensais que l’instruction n’irait pas jusqu’à un procès » répond O. F. avec une désarmante franchise. Et puis « clandestin est synonyme de secret, pas d’illégitime ».

Poursuivant le raisonnement, le président se réfère alors à l’affaire du Rainbow Warrior : « vous admettez que les services secrets puissent ordonner d’agir de manière illégale ? »
« Oui », répond le prévenu sans hésiter. « Donc l’illéïcité d’un ordre ne le délégitime pas », conclut le président. Ce qu’il fallait démontrer.


D.M., lui, était mécanicien. Il a fait le voyage depuis Bergen, en Norvège. Le président souligne son très bon rapport de personnalité « comme pour presque tous les autres prévenus », souligne-t-il.
Lui aussi a été malmené sur le Floreal. Pas rancunier pour deux sous, il pense « avoir été manipulé » mais ajoute aussitôt « non, je n’en veux à personne parce que je pense que eux ont été manipulés par la France ».
Bonne nature, il précise que son débarquement n’était pas prévu mais que le colonel Denard lui a demandé de débarquer tout de même car les membres de l’équipe n’étaient pas assez nombreux. « Pour moi, j’allais faire une libération du peuple comorien », dit-il pour finir.

Audience du 28 février 2006


Depuis plusieurs jours, le procureur de la République demandait que les scellés contenant les armes saisies par l’armée française lors de l’opération Azalée soient présentés au tribunal. Des contraintes techniques avaient empêché jusque-là cette opération. Mais aujourd’hui, en début d’après-midi, c’était noël au palais de justice : des carabines calibre 222 Remington, des fusils à pompe calibre 12, et même ce qui ressemblait à un Fusil-Mitrailleur.
Le président saisissait un fusil à pompe, en manoeuvrait le mécanisme et prenait une visée en direction du plafond avant de constater : « pas très commode ! ». Puis il demandait qu’on lui fasse passer un AR15, copie civile du célèbre M16 américain.
Au total, une dizaine d’armes de chasse et de tir, incomplètes et en mauvais état, s’offraient à la vue du tribunal et des prévenus. A l’exception de deux armes, un fusil-mitrailleur que personne n’avait jamais vu et un SIG en calibre 223 (calibre militaire) qui faisait vraisemblablement partie d’un lot offert par la coopération française à l’armée comorienne, certaines de ces armes étaient considérées par la majorité des prévenus comme ressemblant à celles qu’ils avaient utilisées fin septembre 1995. Aucun, pourtant, n’avait été arrêté porteur d’une arme.

Certes, il en manquait, la plupart des armes de chasse ayant « disparu » mystérieusement. Mais cet armement paraissait tout de même bien léger pour un commando qui aurait attaqué un pays… La vue de ces quelques pétoires rouillées, en vente libre à l’époque des faits, confirmait, à l’évidence, que la « force spéciale » du colonel Denard n’avait pas été conçue pour affronter une résistance militaire organisée, ce qui accrédite la thèse selon laquelle Bob Denard avait, effectivement, de sérieuses garanties du côté des forces armées comoriennes.

Le procureur tente d’interroger un prévenu sur l’armement mais le président lui fait savoir fermement que le timing du procès doit être respecté : « vos questions sont légitimes mais je vous demande de les poser au moment voulu ». Le procureur s’incline. Certaines questions restent donc en suspend.
Mais une question, la plus importante peut-être, ne trouvera peut-être jamais de réponse : pourquoi ces armes n’ont-elles été remises à la justice que le 12 janvier 1996 alors qu’elles avaient été saisies aux Comores le 5 octobre 1995 ?
Plus tard dans l’audience, le président évoquera une nouvelle fois à ce propos le « no man’s land juridique » de cette affaire : « les scellés doivent normalement être mis en présence des intéressés ».
« Si vous estimez que tout cela est illégal, tirez-en les conclusions », lui répondra le procureur. Bonne idée.


De l’interrogatoire de R.Fa, il ressort que, de toute évidence, il a été choqué par cette affaire. Il présente d’après son expertise médicale une « symptomatologie sub-dépressive » et exprime sa révolte d’avoir été traité comme un criminel par les autorités françaises. « La présence des journalistes a évité un massacre ; si les journalistes n’avaient pas été là, le COS nous aurait éliminés », affirme-t-il.

Au président qui se renseigne sur la possibilité pour les services français d’utiliser des gens qui n’en sont pas membres, un autre prévenu cite le cas du docteur Xavier Maniguet dont les compétences avaient été utilisées lors de l’affaire d’Auckland. Décidément, on parle beaucoup du Rainbow Warrior ces jours-ci.

Revenant à R.Fa., le président peine à croire qu’il n’ait été pourvu que de balles en caoutchouc. Le prévenu répond, avec un certain bon sens, que cette insuffisance de puissance de feu était compensée par le professionnalisme de l’équipe.

Vient le tour d’un client atypique. G.C., Breton, est ouvrier dans une papeterie, syndicaliste FO et a suivi le cursus de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN).
Il exprime le sentiment d’avoir été « roulé dans la farine » et affirme, lui aussi, que « cette opération n’aurait pas pu être conduite sans le soutien des services ». Il est d’ailleurs persuadé, ce qui lui a été confirmé à l’IHEDN, d’avoir été victime d’une « guerre des services ».
Il ne connaissait pas la destination du bateau, mais il avait déjà séjourné deux fois aux Comores et connaissait un des protagonistes comoriens de cette affaire : Saïd Ali Kemal. Donc cela ne l’a pas tellement surpris : « Ce n’est pas comme si on remontait la Tamise pour aller attaques Buckingham Palace ». Bonne idée…
Il fait état des élections truquées par les amis de Djohar et pense que « de toute façon il serait tombé comme une pomme pourrie ».
Son analyse ne manque pas de pertinence : « pour oser débarquer avec un effectif aussi réduit et des armes aussi légères, Denard savait que la régime allait tomber comme un fruit mûr ». Et il précise : « on avait l’impression d’être à la kermesse plus qu’à la guerre ». Parlant des soldats comoriens, il résume ainsi le rapport de force : « ils avaient des Kalashnikov et des armes d’appui et nous des fusils de chasse, alors comment voulez-vous que nous ayons pu envisager une confrontation ? ».


L’interrogatoire de F.F. allait apporter des informations très intéressantes. Ancien officier de la Garde Présidentielle, la fameuse GP des Comores, mais aussi ancien « casque bleu » au Liban où il avait servi dans l’armée française, il en imposait au tribunal par sa rigueur, son allure, la détermination de ses réponses.
Dans ses déclarations au cours de l’instruction, il avait considéré sa « mise en examen comme une conséquence du changement de politique du gouvernement ».
Avec précision, il définit ainsi la mission à laquelle il a participé : « nous avions un rôle d’accompagnement des forces comoriennes de défense ». Pour la première fois apparaît avec autant d’évidence la réalité de l’opération Kashkazi. Plus tard, il confirme aux parties civiles « notre mission était une mission d’assistance opérationnelle. Les cadres européens ont donné le signal du départ mais ce sont les Comoriens qui ont fait l’essentiel ».
Il fait état de l’aspect psychologique de l’opération, avec notamment l’utilisation « d’un microphone qui a permis d’éviter tout problème et tout effusion de sang ».
Précis, il décrit ce qu’il a vu : « la porte de la présidence était curieusement restée ouverte », « la population lançait des slogans hostiles au président Djohar », « Kandani était le seul endroit où la sécurité du président pouvait être réellement assurée ».

En réponse au président qui peine à croire qu’il ne connaissait pas la nature réelle de la mission au moment de son recrutement, il évoque le légendaire « cloisonnement » de Bob Denard : « on ne peut pas dire ce qu’on ne sait pas ». Il apparaît totalement sincère lorsqu’il explique « dans mon esprit des scientifiques devaient nous rejoindre aux Philippines ».

A un avocat des parties civiles qui lui demande comment il juge la légalité de cette opération, il réplique, sans appel : « en 1978, dans les mêmes conditions, le colonel Denard a effectué exactement la même opération avec les mêmes effets et le même résultat. Mais là la France a manifesté sa satisfaction, a envoyé des visites officielles, a financé l’armée comorienne,… ».
Deux poids, deux mesures, effectivement.

Ne parvenant pas à déstabiliser le prévenu, le même avocat le traite alors de « nervi ». Le terme, aussitôt contesté par l’intéressé et qui donne lieu à un rappel à l’ordre du président, sonne particulièrement mal eu égard à la personnalité du prévenu.

La discussion évolue alors sur les salaires. Et là, surprise. On s’aperçoit que les militaires français en opérations extérieures touchent beaucoup plus que ce que les « mercenaires » peuvent espérer gagner. Le président peine à le croire, mais ce fait lui est aussitôt confirmé par plusieurs personnes : en opération extérieure, un militaire français touche 3,2 à 3,3 fois la solde de base, ce qui conduit dans tous les cas à des salaires incomparablement plus élevés que les 17 500 francs promis aux « mercenaires » de Bob Denard.

La défense recentre le débat. « Aviez-vous l’intention de partir pour arrêter et séquestrer le président Djohar ? », demande Maître Elie Hatem. « Non », répond très clairement le prévenu.


Des auditions de J-P. L. au cours de l’instruction, absent pour cause de mission à Bagdad, il faut retenir cette phrase : « il est clair que nous agissions au nom de la France », mais aussi cette phrase que le lieutenant-colonel Kister semblait affectionner particulièrement puisqu’il l’a répétée à plusieurs prévenus : « nous travaillons pour la même maison mais vous sans parapluie ». Et là, il s’est mis à pleuvoir…


D.M. est alors entendu. Calme mais visiblement scandalisé : « on a travaillé pour la France, on a été trahis ». « On nous a fait faire le boulot et après on a cherché à nous éliminer. » « Nous n’avons pas été éliminés parce que nous étions dans le camp et que les journalistes étaient là ». Et il conclut : « je suis écoeuré de mon pays, c’est une république bananière ».

« C’est dommage que certains témoins n’aient pas daigné venir », commente le président.


C’est au tour de D.G. Instantanément, l’audience prend une tournure encore plus grave. D.G. est un miraculé. Atteint par le tir de deux roquettes et de sept balles d’arme automatique tirées sans sommation par les hommes du commando français Jaubert, il a été laissé pendant plusieurs heures agonisant sur la route. Ce n’est qu’au petit matin, vers 6H30, qu’il a été soigné par le médecin du commando Jaubert, alors qu’il s’était fait « descendre » vers 2H00.
A son retour en France, enchaîné dans l’avion malgré ses blessures, son état physique sera jugé incompatible avec la garde-à-vue. Ce n’est que quatre ans après qu’il sera mis en examen.

« Manifestement, nous étions attendus », confirme-t-il à propos de la prise du camp militaire de Kandani.

Evoquant l’embuscade dans laquelle il est tombé, il se tourne vers un autre prévenu et lui demande de dire au tribunal ce qu’il a entendu de la bouche du chef du commando Jaubert, à l’occasion d’une conversation téléphonique ultérieure. Sur un signe du président, le co-prévenu se lève, sort de sa poche un cassette que son avocat pose sur le bureau du président, et donne lecture des quelques mots les plus significatifs de l’entretien avec le commandant P. : « Mais surtout qu’il remercie le toubib parce que je peux dire que j’ai eu pas mal de difficultés à maîtriser mes hommes pour ne pas qu’il l’achèvent et pour entendre maintenant reprocher qu’on lui a fait les poches, c’est quand même douloureux ». Vous avez bien lu. Pour ce capitaine de corvette, chef d’une des plus prestigieuses unités de l’armée française, le plus grave est qu’on reproche à ses hommes d’avoir « fait les poches » d’un blessé, pas d’avoir voulu l’achever !

Le tribunal veut en savoir plus, et l’on apprend que le même commandant croyait avoir affaire à des mercenaires sud-africains, qu’il a « atténué ses ordres », bref qu’il a de toute évidence été intoxiqué par ses chefs. C’est une nouvelle zone d’ombre de l’affaire qui surgit. Sera-t-elle finalement éclairée ?

Audience du 1er mars 2006

 

Encore une longue audience consacrée aux interrogatoires des prévenus, marquée par de divertissants incidents provoqués par un avocat des parties civiles qui, manifestement, perd son sang froid en même temps que les pédales.
Alors qu’un prévenu évoquait la disparition d’un caméscope constatée après la restitution de ses bagages, le président émettait l’idée de faire visionner au tribunal la cassette vidéo qui avait été montrée aux passagers du Vulcain lorsque le colonel Bob Denard leur a révélé sa véritable identité. Que n’avait-il pas dit là ! Tous, procureur, avocats de la défense, prévenus, acquiesçaient, mais un énergumène en robe noire se mettait à faire des bonds et à vociférer, hurlant des mots incompréhensibles à l’adresse du président en le montrant du doigt, avant de se faire fermement remettre en place. Finalement, il terminait l’audience assis dos au tribunal, dans une attitude que le tribunal aurait pu légitimement considérer comme outrageante.


P.S. se présente sans avocat. « Je ne pensais pas être un jour devant la barre », déclare ce vieux soldat, dix ans d’engagement chez les parachutistes d’infanterie de marine, qui porte en lui le calme et l’assurance des vieilles troupes.
Simples aussi sont ses autres réponses. Lorsque « Monsieur Martin » (Bob Denard) lui a proposé d’assurer la sécurité de plongeurs dans le cadre d’une mission de recherches archéologiques sous-marines, il s’est aussitôt inscrit à un stage de plongée pour parfaire ses connaissances en la matière.
Il ne doute pas une seconde de l’implication de la France. « Les services français sont parmi les meilleurs au monde et ils savaient forcément ce qui se passait. On ne déplace pas un bateau comme cela, ça ne passe pas inaperçu. »
Et il complète : « ils ont pris des anciens officiers de la Garde Présidentielle des Comores parce qu’ils savaient qu’avec eux cela se passerait bien. S’ils avaient fait l’opération avec les Croates comme c’était initialement prévu, cela se serait mal passé ». Et il précise : « C’est une affaire comorienne. Ce sont les Comoriens qui ont fait l’essentiel du boulot ».


Très digne, la tête haute, G.S. déclare sans faux semblant : « j’assume ma responsabilité dans cette opération. Pour moi cela semblait légitime de la faire et dix ans après je le considère toujours ». Lui aussi n’a pris un avocat qu’au dernier moment, tout simplement parce qu’il ne pensait pas que l’affaire ressortirait dix ans après.
Embêté par des déclarations défavorables au colonel Denard faites au juge d’instruction, il tient à les rectifier clairement : « ce que j’ai dit sur le colonel, je ne le pense plus aujourd’hui. Je dis que c’est quelqu’un de très bien. »
Il confirme également ce qui se dessinait depuis plusieurs audiences : « nous avons été déclencheurs, mais ce sont les militaires comoriens qui ont fait l’essentiel ».

Dévoilant une stratégie très pauvre, les avocats des parties civiles tentent maladroitement de maquiller des commentaires en questions, lesquelles tombent systématiquement à plat. « Le pays, en lui-même, il a été Sali ! Est-ce que vous avez conscience de cela ? » « Non. Les Comoriens étaient réellement contents de notre arrivée. Il y avait un réel malaise que nous avons aidé à soigner. »

Comme une évidence, il qualifie ainsi l’opération à laquelle il a participé : « C’était de l’assistance technique. Après notre arrivée les Comoriens se sont organisés entre eux. La présence du colonel Denard a permis de faire en sorte que tout cela se passe bien. Si cela s’était fait avec des Croates, comme cela était initialement prévu par les services français, il y aurait eu beaucoup de casse ».


Pour G.R., ancien confiseur, ce procès c’est un peu la cerise sur le gâteau. Même si c’est une boutade, il avait déclaré à l’expert psychiatrique « faire un coup d’état était un rêve d’enfance ». Il n’a pas cherché à comprendre, il a appliqué les ordres émanant de toute évidence de l’autorité légitime. Il explique que son « grand-père s’était battu en 14-18 contre les Allemands sans chercher à comprendre quels étaient les intérêts de la France » et il s’insurge : « être traité de malfaiteur, cela me défrise beaucoup, même si je n’ai plus beaucoup de cheveux. »

Pour prouver que, lorsque les services français ne veulent pas qu’une opération soit réalisée, ils savent intervenir pour la démonter, il évoque deux affaires récentes : fin 1995, au Qatar, où un coup d’état organisé par le capitaine Barril a été stoppé avant son exécution et début 2002, où les services français ont arrêté une opération au profit de Didier Ratsiraka à Madagascar.
Et il conclut : « la DGSE était forcément au courant de notre opération et elle ne l’a pas stoppée ». Une juge du tribunal, levant les yeux au ciel, résume ainsi ses propos « la DGSE sait parce que si elle n’est pas au courant elle ne sert à rien, et elle laisse faire, c’est bien cela ? ». Oui, c’est bien cela.

A un avocat qui lui demande s’il est habituel que la France intervienne ainsi dans les affaires intérieures d’un état souverain, il réplique que l’armée française a bien renversé l’empereur Bokassa en Centrafrique pour le remplacer par Davis Dacko. « Et lorsque l’état français n’a pas intérêt à mouiller ses troupes, il fait appel à des privés comme nous ».

Avant de quitter la barre, il lâche une dernière flèche : « il me semble me souvenir que le président comorien actuel est lui-même issu d’un coup de force ». Tiens, c’est vrai, plus personne n’y pensait…

Un avocat de la partie civile tente une citation qui n’a rien à voir avec le contexte : « les convictions sont aussi dangereuses pour la vérité que le mensonge ». Décidemment, ce n’est pas son jour : « Vous avez beaucoup de convictions », lui réplique un autre avocat.


C’est au tour de M.G. Ancien militaire, plongeur démineur dans la marine nationale, il a quitté l’armée avec le grade de maître principal après avoir été affecté à l’Ile Longue, la base des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins.
Il déclare tout de go : « j’ai travaillé pour la DGSE ». Stage « démolition » à Cercottes, opérations au Burundi (1981) et au Tchad (1983), il fait partie « des militaires français à la retraite qui avaient toujours le contact avec la DGSE ».
Il résume ainsi l’affaire du Tchad « La France, prise de court, avait envoyé une trentaine d’hommes avec de l’armement pour les Tchadiens ». Il évoque l’assassinat du commandant Galopin par les hommes d’Hissène Habré quelques années auparavant, « ce qui n’a pas empêché la DGSE d’envoyer des civils français aider ses troupes à combattre une légion islamique armée par les Lybiens ». Pour lui, après coup, il constate que l’organisation de l’opération Kashkazi avait exactement la même apparence que l’opération à laquelle il a participé au Tchad, qui était totalement et incontestablement couverte par les services français.

Il évoque aussi le débarquement du 13 mai 1978, auquel il a participé : « 78, c’était monté par la France, il n’y avait pas de raison qu’en 95 ce soit différent ». Et il rappelle opportunément que le bateau utilisé par Bob Denard en 1978, l’Antinea, avait le même commandant que le Vulcain en 1995 et que celui-ci a bénéficié d’un non lieu.

La question qui se pose ensuite est celle de savoir s’il était au courant de la mission avant d’embarquer sur le Vulcain. Visiblement, le président ne croit pas que Bob Denard ait pu cacher la nature de la mission à son vieux compagnon : « Soyons sérieux, ça heurte le bon sens ! Est-ce que vous dites la vérité ? », pas plus qu’il ne croit crédible l’apparente reconversion du colonel Denard dans l’archéologie sous-marine, « changer le fusil d’épaule en quelque sorte ». Et pourtant oui, c’est vrai, c’est la vérité.

Revenant à l’intervention de l’armée française en 1995, le président résume, dubitatif : « le plan aurait été de laisser faire les choses, mais une fois faites de donner l’impression de les combattre ? » « Oui, c’est tout à fait plausible », répond le prévenu.


Le gros poisson du jour, c’est J.P. Ancien sous-officier parachutiste, il a passé dix ans comme officier à la Garde Présidentielle comorienne. Son épouse, comme ses enfants, sont comoriens.
Il évoque, de façon très réaliste, la « véritable culture du secret » du colonel Bob Denard : « Il m’arrivait souvent de le conduire dans Paris, et il ne me disait jamais où il allait. Il y avait des destinations récurrentes : rue de Prony, rue de Boulainvilliers, rue de la Croix-Nivert. Jamais il ne m’a dit qui il allait voir. Et puis un jour j’ai découvert de qui il s’agissait : rue de Prony, c’était Jacques Foccart et les autres destinations correspondaient aux domiciles successifs du colonel Maurice Robert » notons que Maurice Robert, récemment décédé, était l’ancien chef du SDECE pour l’Afrique et qui a déclaré à plusieurs reprises avoir été un des officiers traitants de Bob denard. « J’ai déposé le colonel Denard un nombre incalculable de fois chez ces personnalités », ajoute le prévenu.
Et il confirme au tribunal médusé que, bien que très proche du colonel Denard, il ne connaissait pas la destination ni la nature de la mission. « S’il m’en avait parlé, je n’aurais pas envoyé ma fille en vacances aux Comores pendant l’été 1995 et quelqu’un s’en serait peut-être aperçu de cette modification de mes habitudes, mettant en danger les hommes de cette opération. »

Interrogée sur l’opération croate organisée puis démontée par la DGSE , il salue la clairvoyance des services qui l’ont stoppée : « Je ne vois pas ce qu’auraient pu faire d’autre qu’un massacre ces cinquante Croates ne connaissant ni la pays ni la langue. Il y a quelqu’un de clairvoyant qui a dit : Non, il faut arrêter, cela ne va pas marcher. La DGSE arrête l’opération ». « Patrick Olivier a fait son montage et ce qu’il propose ne correspond pas à l’effet qu’on veut obtenir, donc on se rabat sur Bob Denard qui est le seul à pouvoir réussir cela sans bavure. »

Interrogé sur la possibilité d’une motivation d’ordre personnel de Bob Denard pour intervenir aux Comores, comme par exemple y récupérer des biens, J.P. est formel. « Le colonel Denard est un homme loyal, honnête et droit », répète-t-il à plusieurs reprises. « Ses biens aux Comores ? Il a deux maisons qui sont aujourd’hui en ruines et qui ont été pillées, plus un bout de terrain au lieu dit « le Trou du Prophète. Point. Voilà les intérêts immobiliers du colonel aux Comores ! »


« J’ai toujours été convaincu que ce dossier n’irait jamais devant un tribunal et je me demande encore ce que je fais ici aujourd’hui. » Ce point de vue semble largement partagé par plusieurs avocats, dont un affirme même qu’il n’a pas jugé utile de soulever les nullités de procédure car il pensait que cette affaire serait enterrée. Un autre avocat ajoute : « c’était confirmé par le magistrat instructeur, et même par le doyen ! ».

Sur le revirement des autorités françaises et l’intervention militaire qui a suivi, J.P. émet une hypothèse qui ne manque pas de crédibilité : « En 1995 se produit un changement politique important en France. Peut-être qu’un politicien ou un responsable des services de renseignement débarqué oublie de passer le dossier à son successeur et on se retrouve avec une guerre des réseaux. C’est une possibilité. »

Le président, demande pourquoi Jacques Foccart n’a pas été entendu. Le prévenu n’en sait rien mais précise : « si j’avais su qu’on me traînerait devant un tribunal, j’aurais été plus virulent ».

Aux parties civiles, qui rappellent, avec justesse pour une fois, que la Garde Présidentielle était financée par l’Afrique du Sud, il rafraîchit la mémoire sur l’ensemble du fonctionnement de la G.P. : « la France nous donnait aussi le meilleur du matériel et les meilleurs stages. Nous avons des officiers de la G.P. qui ont fait des stages à Satory au GIGN, d’autres à l’Ecole d’Application de l’Infanterie à Montpellier,… ».

Sur les intérêts de la France à agir aux Comores, J.P. rappelle brièvement que la question centrale est celle de Mayotte, qui se trouve sur la route des pétroliers en cas de fermeture du canal de Suez. « Et le problème de Mayotte, aujourd’hui, reste posé », rappelle-t-il comme un avertissement aux apprentis sorciers qui ont manipulé cette affaire.

Fin connaisseur des Comores, le prévenu cite une plaisanterie qui circule à Moroni : « s’il y avait proportionnellement autant de ministres en Chine qu’aux Comores, il y aurait un million de ministres chinois ». Un avocat des parties civiles se met alors à hurler : « vous insultez les Comores » et s’en prend personnellement au président. Le président le remet en place : « Vous dénaturez mes propos, j’espère que vous ne le faites pas volontairement ! Et ça suffit maintenant, hein ! ». Chaude ambiance…

Avec pertinence, le prévenu revient, en réponse à des questions, sur l’implication des services français. « Les services de renseignement renseignent qui ? L’autorité politique. Et qui décide d’agir ? L’autorité politique. Donc c’est auprès des autorités politiques qu’il faut chercher les clés de cette affaire. » Simple, logique, imparable.
Et il précise : « la DGSE a laissé faire les commanditaires comoriens qui ont fait appel à Bob Denard. Ce n’est pas le procès de la DGSE, c’est le procès des politiques. Je vous rappelle que la DGSE est au service des politiques ».

Interrogé sur son éventuelle participation à la préparation de l’opération, il rappelle simplement ce qu’il a fait, et qui n’est en rien constitutif du délit d’association de malfaiteurs.
Le procureur évoque alors une homonymie entre le nom qui a été donné pour l’achat d’un téléphone satellitaire et celui d’un ami d’enfance du prévenu. Le prévenu tombe des nues car il n’a jamais entendu parler de cela.

C’est alors que vient sur le tapis un élément qui n’avait pas encore été soulevé. En énumérant ce que son client a fait, maître Solange Doumic constate que quelqu’un d’autre, dont il est avéré qu’il a fait exactement la même chose, n’a même pas été mis en examen dans cette affaire. Questionné là-dessus, le prévenu évoque la relation de cette autre personne a avec les renseignements généraux, évoquant une « possible coïncidence ».
« Quand il manque un prévenu, on peut s’en réjouir pour lui mais s’en étonner pour les autres » lance maître Doumic pour conclure. Gageons que cette question sera au cœur des débats lors des prochaines audiences.

Bien sûr, la journée ne pouvait pas se terminer sans le petit débat quotidien sur la couleur des feux. Pour J.P., « Feu vert, ça n’est pas sous-traité, c’est l’armée française qui intervient directement : feu orange cela veut dire que l’on autorise de la main gauche ce que la main droite peut se permettre de ne pas savoir, et qui évite par exemple de bouffer du mouton néo-zélandais pendant dix générations ». Décidemment, l’ombre du Rainbow Warrior plane sur ce procès…

Interrogé sur la violence excessive de l’intervention française, le prévenu tient à faire la différence. « Il y avait le 2ème RPIMa qui s’est très bien comporté. Par contre certains éléments du COS [Commandement des Opérations Spéciales] avaient visiblement consigne de faire monter la pression en tirant sur tout ce qui bouge. »
Pourquoi ? Peut-être le saurons nous lundi avec les derniers interrogatoires.

Jeudi 2 mars 2006

Lors de la première audience du procès, à l’occasion du résumé du dossier, il est apparu qu’un avion de transport militaire français a survolé les Comores, sans plan de vol, pour une mystérieuse mission, le 27 septembre 1995, soit la veille du débarquement de Bob Denard.

Nous apprenons aujourd’hui que la mission de cet appareil aurait été le largage d’une équipe de militaires français chargés de s’assurer du bon déroulement du débarquement de Bob Denard et son équipe.

Merci à ceux qui auraient d’éventuels témoignages ou informations fiables de bien vouloir les transmettre par l’intermédiaire de l’interface de contact du site.

Audience du 6 mars 2006

Notre ami Larifou était de retour aujourd’hui, après avoir participé à l’enterrement du président Djohar aux Comores, dont il a rapporté une cassette vidéo qu’il tient à montrer au tribunal. Pas très en forme, il n’a visiblement pas mis à profit les longues heures d’avion pour parfaire sa connaissance du dossier. A un prévenu qui lui faisait remarquer qu’il faut un peu travailler ses dossiers tout de même, il répondait, penaud : « si, si, j’ai travaillé, je connais bien le dossier. » Tu parles !

Au menu du jour, les quatre dernières auditions avant celle du colonel Bob Denard, prévue demain. Mais avant, le président passait en revue les déclarations de deux absents de marque.

J.-P. G, non comparant, a été le chef du groupe qui a investi le camp militaire et assuré le ralliement des soldats comoriens. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas été très loquace. Il s’est néanmoins présenté à l’expert chargé d’évaluer son aptitude à être jugé, qui l’a considéré comme « non impulsif sauf en ce qui concerne la justice ».

J.-C. F, capitaine du Vulcain, a bénéficié d’un non lieu. Au cours de l’instruction, il a déclaré n’avoir appris la destination finale que deux jours avant le débarquement. Considérant l’arraisonnement de son navire comme une acte de piraterie contraire à la réglementation maritime internationale, il a largement dénoncé les violences et le pillage du bateau qui l’ont accompagné. Débarqué de force par le commando Jaubert, il se plaignait d’avoir été malmené et bousculé avant d’être jeté à fond de cale de la frégate française Le Floreal avant d’être jeté à terre aux Comores, pour ensuite se voir reprocher d’y être entré illégalement…
On notera cependant qu’il avait déjà commandé l’Antinea, navire qui avait servi au premier débarquement maritime de Bob Denard aux Comores en mai 1978. On ne change pas une équipe qui gagne…


Appelé à la barre, E.P., ancien officier parachutiste, ancien officier servant à titre étranger dans la Garde Présidentielle comorienne, il précise d’emblée que son propos n’est pas d’accabler l’armée française. « J’étais et je suis toujours officier de réserve de l’armée française », précisera-t-il plus tard.
Très calmement et très logiquement, il décortique le montage de cette opération : « Il n’est pas illogique que les services français aient délégué totalement le montage de cette opération. Il y a d’ailleurs eu des précédents. » Pour lui « il y a eu une volonté politique française d’intervenir aux Comores. Le pouvoir politique a fait appel à un instrument qui s’appelle la DGSE. Dans un premier temps, la DGSE a elle-même fait appel à Patrick Olivier. Je pense que quelqu’un de responsable dans les services a compris qu’avec des Croates cela se terminerait en bain de sang. Les services ont alors compris que seul Bob Denard avait en mains les clés qui permettaient de réaliser cette opération sans effusion de sang : les anciens commandants de compagnies de la GP, auxquels ils ont ajouté d’anciens militaires du 11ème Choc. »
E.P. ne croit pas au hasard : « sur 3500 membres de la DGSE, plus les réservistes, on en retrouve deux dans cette opération, et comme par hasard tous avaient servi au 11ème choc sous les ordres de l’adjudant Rubis, responsable de la sécurité du président Djohar. »
L’opération se déroule en deux temps, explique-t-il. « Un, Bob Denard ouvre la porte, remplit la mission. Deux, la France récupère les lauriers en intervenant militairement. »
Et il précise aussi que la DGSE n’est pas seule impliquée. La DST est citée également, c’est dans le dossier. Le représentant du ministère public confirmera ce fait en donnant lecture de la partie de l’ordonnance de renvoi concernant l’implication des services français. Le prévenu précise : « je pense que la DST, quand on l’informe qu’un ressortissant franco-comorien est en train de monter une opération pour renverser le président comorien, ne garde pas l’information pour elle. Elle en informe nécessairement l’autorité politique ».
Cependant, les informations données aux militaires français sur le terrain étaient visiblement fausses : « il apparaît qu’ils ont été désinformés sur ce qui se passait vraiment ». Citant ses conversations avec des gendarmes français du GIGN, il précise qu’ils « ont été très surpris de constater qu’ils avaient en face d’eux des Français. On leur avait dit qu’il y avait des Marocains, des Libanais, des Sud-Africains. »

L’hypothèse selon laquelle Bob Denard aurait pu réaliser cette opération pour blanchir de l’argent aux Comores ne lui semble pas réaliste : « l’argument du blanchiment d’argent est difficilement soutenable. » « Bob Denard est resté douze ans aux Comores. Jamais il n’a blanchi de l’argent. Pourquoi aurait-il voulu le faire alors ? »

Sur l’accusation d’association de malfaiteurs, il exprime clairement ce qui devient aussitôt pour tous une évidence : « si j’avais voulu faire une carrière de malfaiteur je m’y serais pris autrement et je serais beaucoup plus riche que je ne le suis à présent ». Il confirme n’avoir « ni arrêté ni séquestré le président Djohar » et pense qu’il est « légitime de renverser dans les faits un chef d’état qui a été renversé par la cour suprême et qui en réponse a fait arrêter les membres de la cour suprême ». Il constate enfin que « la véritable séquestration du président Djohar a été le fait de la gendarmerie française à la Réunion ».

A propos de l’apparente incohérence de la gestion de cette affaire par les autorités françaises, il rappelle le « jeu de chaises musicales » qui a eu lieu en 1995. « L’opération a été initiée alors que François Mitterrand était président de la république, avec Edouard Balladur comme premier ministre, que tout le monde donnait à l’époque comme probable vainqueur de l’élection présidentielle. Elle a été réalisée sous la présidence de Jacques Chirac, avec Alain Jupé comme premier ministre. » Et il évoque les « difficultés entre les différents services ». « En 1995, cela tourne. D’autres équipes sont mises en place ».

Evidemment, l’ineffable Saïd Larifou, prévisible, se devait de tenter une diatribe. « Mais enfin, les Comores crient », s’exclame-t-il. « Non les Comores ne crient pas. C’est vous qui criez », lui répond le prévenu.

Le procureur de la République lui rappelle que Bob Denard a déjà été condamné pour association de malfaiteurs, dans l’affaire du coup d’état au Bénin. E.P. répond que « l’affaire du Bénin est probablement la plus couverte que le colonel Denard ait réalisée de sa carrière ».

Comme une évidence, il rappelle cette vérité de bon sens à un avocat des parties civiles qui lui demande des noms : « si les services secrets s’appellent services secrets, c’est précisément parce que ces choses-là sont secrètes. Sinon ça s’appellerait autrement. »


Vient le tour de D.M. Cet ancien légionnaire parachutiste a commandé la Garde Présidentielle jusqu’un 1989. Il possède la nationalité comorienne.
Ce procès est pour lui « la fin de 17 années de calvaire ». Poursuivi pour la mort du président Abdallah, il a passé deux ans en détention provisoire. Il est toujours sous contrôle judiciaire malgré son acquittement par la cour d’assises en 1999.
Il évoque la grande instabilité politique aux Comores et rappelle que « la France intervient d’une façon ou d’une autre à chaque fois qu’un risque apparaît sur Mayotte. »

A un avocat des parties civiles qui évoque la « dictature d’Abdallah », il répond : « il n’y a que vous qui traitez Abdallah de dictateur ». Et il compare les effectifs de la coopération française et ceux de la GP à l’époque d’Abdallah : « Nous étions 14 cadres européens à la Garde Présidentielle. L’armée française avait sur place 25 gendarmes pour assister la gendarmerie comorienne et 25 coopérant auprès des Forces Comoriennes de Défense, ainsi que des coopérants dans chaque ministère comorien ».

« A chaque fois que j’ai participé à une opération avec le colonel Denard, j’ai servi les intérêts français », résume-t-il.

En 1995, lors de l’opération Kashkazi, il était sous contrôle judiciaire dans le cadre de l’affaire Abdallah dans laquelle il a été acquitté plus tard. « Je devais prévenir le juge de mes déplacements », précise-t-il. « Et vous l’avez prévenu ? », demande le représentant du ministère public. « Une fois arrivé aux Comores, oui », répond le prévenu, déclenchant des rires dans l’assistance.

Et il confirme que Bob Denard a toujours été en contact avec Jacques Foccart et avec le colonel Maurice Robert, ainsi qu’avec le général Jeannou Lacaze, ancien chef d’état-major des armées.

Il met en évidence la disproportion des forces en présence lors de la destitution du président Djohar : « il n’y a eu aucune forme de résistance de la part de l’armée comorienne alors qu’elle avait un armement considérable ».

Sur le financement : « je sais que la France dispose de fonds secrets. D’autres fois, ce sont des pays tiers amis qui payent ».

Pour conclure, il rappelle que « Monsieur Denard n’a jamais travaillé en solo. Il ne lui était pas difficile de trouver des volontaires car tout le monde sait qu’il ne réalise que des opérations couvertes ».


Ancien officier de la G.P. et officier de réserve de l’armée française, F.S. précise à la barre le contexte géopolitique du problème comorien.
« En France, tout le monde s’accorde sur l’objectif, qui est le maintien de la souveraineté française sur Mayotte. Il faut donc empêcher toute revendication territoriale crédible sur Mayotte et empêcher les Comores de tomber sous une influence non contrôlée par la France ». « C’est sur les moyens que deux grandes lignes d’action s’affrontent. La première est celle de la stabilité contrôlée, elle a prévalu de 1978 à 1989. Mais certaines autorités françaises ont pris peur lors du défilé du 6 juillet 1989, fête nationale comorienne, où ils ont vu une garde présidentielle forte d’un millier d’hommes, puissamment armée, avec des officiers comoriens parfaitement capables de monter le cas échéant une opération sur Mayotte. C’est alors que la deuxième ligne d’action a prévalu, celle de l’instabilité organisée, qui visait à entretenir la faiblesse chronique et la désunion dans l’archipel aux sultans batailleurs ».
La démonstration est claire, incontestable et incontestée.
Et il poursuit : « l’opération de 1995 arrangeait les tenants de ces deux lignes d’action, donc elle est allée à son terme ». Pour expliquer le revirement des autorités françaises et l’intervention militaire dans le cadre de l’opération Azalée, il rappelle que « le 5 septembre 1995 se produit un événement considérable : la reprise des essais nucléaires français ». « La France est alors sous les feux d’une campagne internationale sans précédent et éprouve de grandes difficultés à gérer la crise. L’orchestration médiatique d’une opération militaire disproportionnée contre les « mercenaires » permet de faire cesser les protestations internationales et de les remplacer par des louanges. L’opération Azalée met fin à la crise des essais nucléaires. »
« Les poussières radioactives se dissipent dans un écran de fumée médiatique. Mais nous, au milieu de tout cela, nous gênons. Nous avons fait le travail mais maintenant il faut nous éliminer. Cela explique les conditions de particulière violence dans lesquelles s’est déroulée l’intervention française. »
« Il faut noter que ces violences ont été le fait des unités les plus professionnelles de l’armée française : le commando Jaubert et des unités rattachées au Commandement des Opérations Spéciales. Ce ne sont pas des soldats qui tirent parce qu’ils ont peur. Ce sont des soldats qui tirent parce qu’ils ont ordre de tirer. »
« Nous avons alors joué la carte médiatique en convoquant une conférence de presse à Kandani. Cette option a permis de faire baisser la pression sur le plan militaire, sinon nous ne serions pas là pour en parler ».

Souhaitant mettre « de la clarté dans la confusion », il précise qu’il conteste formellement l’accusation d’association de malfaiteurs en vue de commettre un crime : « à partir du moment où nous avons eu connaissance de la nature et de l’objectif de la mission, notre intention était d’aider les Comoriens à rétablir la légalité constitutionnelle et à libérer les prisonniers politiques, et non pas de commettre un quelconque crime ».

« C’est un problème africain », précise-t-il encore. « Nous avons été les déclencheurs mais ce sont les Comoriens qui ont fait l’essentiel du travail ».

Un avocat des parties civiles lui demande alors, avec pertinence si la France ne disposait pas de moyens diplomatiques pour faire pression sur les Comores plutôt que d’avoir recours à Bob Denard. Le prévenu lui répond « le moyen diplomatique, c’est nous. Le colonel Denard a très souvent été utilisé comme moyen de diplomatie souterraine de la part de la France ».

Pour la première fois depuis le début de ce procès, le procureur n’a pas de question à poser.

Au président du tribunal, qui évoque les risques, dont le risque judiciaire, de la participation à une telle opération, le prévenu répond en paraphrasant Audiard : « si j’avais voulu être couvert, je me serais engagé dans la Gendarmerie ». « Le risque judiciaire fait partie des désagréments du métier. C’est le prix de la liberté, c’est le prix de la dignité », précise-t-il enfin.

Toujours au président, qui ne comprend pas que Bob Denard ait pu cacher l’objectif de la mission aux membres de l’expédition, il évoque, comme d’autre avant lui, la « culture du secret du colonel ». « C’est aussi une précaution pour garantir la sécurité de ses hommes. On ne peut pas dire ce qu’on ne sait pas, donc on ne peut pas se mettre en danger, ni mettre les autres en danger en ayant trop parlé ».


Dernier prévenu interrogé, J.-C. S. explique qu’il a été mis en contact avec Bob Denard par des anciens des « services », un général et le colonel Maurice Robert. C’est lui qui a ouvert le compte Suisse sur lequel les sommes destinées à l’opération Kashkazi ont été déposées. « A mon avis, c’étaient des fonds secrets du gouvernement », précise J.-C. S.
« Est-ce que vous pensez sérieusement que Bob Denard a eu, à 67 ans, une vocation tardive de blanchisseur ? », répond-il lorsque la participation au financement de l’opération d’un fils naturel de Bob Denard, Eric V., connu pour ses relations douteuses, est évoquée.

La question du financement sera à l’ordre du jour de l’audience de demain, mais rappelons d’ores et déjà qu’Eric V. a été mis hors de cause lors de l’instruction.

Audience du mardi 7 mars 2006

Courte audience aujourd’hui, qui a pris fin vers 17H00 au lieu des 19H30 habituelles. Les caméras avaient pourtant fait leur réapparition, attendant l’hypothétique venue du colonel Bob Denard. Mais le colonel n’est pas venu.

Le début de l’audience a été consacré à l’étude du volet le plus confus de l’affaire : le financement de l’opération.

« Ça part dans tous les sens », avait prévenu le président. Effectivement, les hypothèses ne manquent pas. Les « investisseurs » auraient pu venir de Hong Kong, de Taïwan, du Japon et même d’Israël qui aurait pu y trouver un intérêt du fait du rapprochement du régime Djohar avec des pays islamistes durs. Sont cités pêle-mêle aussi des milieux gaullistes par l’intermédiaire de sociétés de philatélie, un « clan corse », un mystérieux projet « Forbes » à Anjouan, et même un fils naturel du colonel Denard qui aurait pu contribuer au financement pour blanchir des capitaux provenant du trafic de drogue.
Cette dernière hypothèse, pourtant la plus farfelue de toutes, est celle sur laquelle les fins limiers dépêchés par la juge Perdrix ont concentré leurs efforts. Et qu’ont-ils trouvé ?
Que le fils du colonel Denard était en rapport avec son père, qu’il avait des comptes en Suisse, qu’il s’est rendu aux Comores en 1996 et 1997, c’est-à-dire après les faits.
Après avoir passé au peigne fin l’ensemble des comptes en Suisse pouvant être plus ou moins rapprochés de cette affaire, les enquêteurs constataient que « bien qu’il existe un manque d’éléments probants, diverses opérations prouvent une transversalité non exhaustive des mouvements bancaires ». Le tribunal ne manque pas de relever la contradiction entre les termes « absence d’éléments probants » et « prouvent » dans la même phrase et donne lecture d’une série de virements incompréhensibles aux oreilles des auditeurs.
Seul le représentant du ministère public semble y trouver un début d’intérêt, peut-être parce qu’il espére y trouver la possibilité d’étayer des réquisitions qui s’annoncent mal parties. Son attitude laisse supposer que, vexé par la tournure du procès, il va « charger la mule ».

Curieusement, une hypothèse n’a pas été étudiée lors de l’instruction : et s’il s’agissait tout simplement des fonds secrets du gouvernement ?


La seconde partie de l’audience aurait dû être consacrée à l’interrogatoire du colonel Bob Denard. En son absence pour cause de maladie, le tribunal a donné lecture de son dossier de personnalité et de ses procès-verbaux d’audition. On en retiendra cette phrase, conforme à la nature profonde de Bob Denard : « J’assume pleinement la responsabilité globale de cette opération puisque j’en étais le chef ».
On ne peut cependant s’empêcher de penser qu’il y a, dans les hautes sphères, d’autres responsables qui, eux, n’assument rien du tout.


Avant de clôturer l’audience, le président faisait droit à la demande des parties civiles de donner lecture de la déposition de Paul Barril, le fameux ancien capitaine du GIGN. On pouvait demander ce qu’il faisait dans cette affaire, et on se le demande encore plus après cette lecture car sa déposition allait clairement dans le sens des prévenus. Quand on vous dit que certains avocats des parties civiles n’ont même pas lu le dossier…


Enfin, après en avoir délibéré, le tribunal rejetait la demande de visionner la cassette « Bob Denard, Corsaire de la République » ainsi que celle des parties civiles concernant la cassette des obsèques du président Djohar qui elle, disons le franchement, n’avait rien à voir dans le dossier.

Les audiences de demain seront consacrées aux plaidoiries des parties civiles (et si bonnes), puis aux réquisitions du procureur, très en colère aujourd’hui donc probablement très sévère demain. C’est un coup à finir à trois heures du matin…

Audience du 8 mars

Plaidoiries des parties civiles

L’ineffable Larifou se précipite pour ouvrir le bal.
Il dit défendre « les enfants et les veuves » de Djohar. Le problème est que tout cela n’est pas très clair, si bien que le tribunal finira par lui demander d’apporter pour lundi la liste précise des parties civiles qu’il représente.
Sa plaidoirie ne présente pas un grand intérêt. Il sait qu’il a perdu et se contente de tenter d’accréditer la thèse selon laquelle « l’état français n’est pas associé à cette opération ». « C’est un coup d’état ! » découvre-t-il après une demi-heure de monologue. Mais cela on le savait depuis le 28 septembre 1995.
Pour charger les prévenus, il s’accroche à des branches mortes qui cèdent aussitôt sous son poids. Les déclarations de Djohar à la Réunion, disant qu’il avait été fort bien traité par les « mercenaires » ? « Il ne pouvait pas compromettre son retour aux Comores. C’est pour cette raison qu’il a fait des déclarations soft. » Peut-être ne lui a-t-on pas dit que Bob Denard n’était plus aux Comores depuis le 5 octobre 1995…
Confondant allégrement infraction, délit et crime, termes qu’il emploie alternativement pour désigner les mêmes faits, il tente de rassembler quelques souvenirs de droits pour réclamer de lourdes condamnations : « Ce crime, ce délit, cette infraction, doit être puni ».
Avec la finesse d’esprit qui le caractérise depuis le début de ce procès, il s’en prend aux prévenus. « Ce qui les intéresse, c’est le pognon. Et c’est ça l’esprit même de leur mission. C’est ça leur philosophie. Elle est financière et puis c’est tout ».
A force de se prendre pour le procureur, il finit par en oublier les intérêts de ses clients. Il n’a rien préparé là-dessus et, penaud, réserve cette question pour une audience civile ultérieure.

Son confrère M’Changama, qui plaide aussi pour Djohar, commence avec une grandiloquence qui augure pas mal de la suite, évoquant le président Djohar « mort dignement sur le champ de bataille judiciaire ». Non. Il est mort chez lui, de vieillesse. Paix à son âme, mais il ne faut tout de même pas raconter n’importe quoi.
La suite de sa prestation a un peu plus de tenue que celle de son prédécesseur. Il tente d’établir la constitution de l’infraction mais bute, comme tout le monde, sur l’élément intentionnel. « Je pense qu’il savaient tous », lance-t-il. Mais penser n’est pas démontrer et, en l’occurrence, c’est le contraire qui est démontré.

François Trecourt, avocat du colonel Soihili, a un peu plus travaillé le sujet. Le dictionnaire de l’académie lui donne une définition du mercenaire qui, bien que très insuffisante, a le mérite d’exister et qu’il reformule ainsi « c’est un homme qui fait la guerre pour de l’argent ». Il veut s’en prendre au « mythe du mercenaire » mais ne parvient pas sérieusement à l’écorner.
Remettant les radiographies de la jambe cassée de son client au tribunal, il évite soigneusement de croiser le regard de D.G., prévenu blessé autrement plus grièvement … et par l’armée française.
Son analyse de l’exception d’incompétence soulevée par la défense, même si elle est fausse, a le mérite d’avoir été travaillée. Il constate que l’article 113-6 du code pénal s’applique à une infraction qui aurait été commise à l’étranger mais considère que « le mal a ses racines sur le territoire national ». Et il se garde bien d’évoquer l’élément intentionnel, nécessaire pour établir l’association de malfaiteurs, et qui est totalement absent de l’esprit des prévenus.
Sur l’implication des services français, sa seule ressource est d’évoquer une « béquille psychologique sur laquelle les mercenaires s’appuient, sinon ses hommes ne sont plus que des détrousseurs de vieilles dames ». Un demi-sourire laisse comprendre qu’il ne croit pas lui-même à ce qu’il vient de dire. Un simple coup d’œil en direction des prévenus montre qu’aucun de ces soldats n’a besoin de la moindre « béquille psychologique ». Et la "vieille dame" qu'il évoque disposait tout de même de 500 soldats surarmés...

Un avocat comorien, Maître Ibrahim M'Zimba, ancien ministre des affaires étrangères du président Taki, vient alors très dignement expliquer au tribunal les conséquences de la déstabilisation causée par « cette présence non souhaitée » qui oblige « les gouvernements de l’archipel à mettre plus de cinquante pour cent du budget pour réhabiliter l’image du pays ».
Sur l’action civile, il réclame un euro symbolique et le paiement des frais de justice.

Vient le tour d’Eric Sossah, qui plaide pour l’Union des Comores (le terme « désunion » serait plus juste). Ineffable depuis le début du procès, il ne déçoit pas son public.
Il attaque en réclamant une minute de silence « pour la mémoire de Papa Djo », l’ancien président Djohar décédé la semaine précédente, mais oublie lui-même de se taire et submerge son auditoire sous une avalanche de mots qu’il semble peiner à comprendre.
Il évoque « un quarteron de mercenaires », ce qui prouve qu’il sait au moins compter jusqu’à quatre (mais ils sont 27) et se fait grandiloquent avec « la France des lumières éclate en demandant justice au nom des victimes de cette opération ».
Il se lance dans une hasardeuse comparaison rabelaisienne, évoquant Panurge et ses moutons pour illustrer une démonstration que personne ne parvient à suivre.
« Je suis moi aussi dans la schizophrénie ontologique qui caractérise le métier d’avocat attaché aux droits de la défense », nous rassure-t-il avant de souhaiter ouvertement que la peine de mort soit appliquée aux prévenus. « Une loi pénale française plus douce leur a permis d’échapper à la peine de mort qu’ils eussent subie si nous les avions jugés nous-mêmes », avance-t-il pour prouver sa mansuétude.
Il compare ensuite le colonel Bob Denard à une « vieille brosse à dent rouillée ». S’il se brosse les dents avec une brosse en fer, on comprend mieux qu’il fasse autant de bonds…
Il termine en apothéose en citant le nom du bateau qui a servi à Bob Denard : « avec le Vulcain, on est dans la mythologie grecque ! ». Un régal pour tous ceux qui, à l’école, ont appris à faire la différence entre la mythologie grecque et la mythologie romaine.
Quelques petits derniers pour la fin : « il ne faut pas chercher des poux dans la tonsure », « il ne faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards boiteux », sans oublier "les instruments mortifères" (comprendre "les armes") et les "soldats de brocante".
La barre est placée très haut.

Deuxième partie : réquisitoire du procureur de la République

« Monsieur le Président, chaque jour d’audience vous m’avez humilié, c’est votre choix », lançait Olivier Bray, substitut du procureur, au président sidéré, qui lui répondait aussitôt, sans se départir de sa dignité : « je n’aurai pas le mauvais goût de vous répondre ». Chaude ambiance.
Le procureur venait de parler plus de quatre heures pour tenter d’emporter des condamnations exemplaires. Quatre heures ponctués de lectures de pièces déjà étudiées lors des audiences précédentes et de phrases historiques : « on va se calmer ! » (c’est le seul à s’être énervé) ou encore « quand on voit ce qu’on voit et qu’on entend ce qu’on entend, on se dit qu’on a bien raison de penser ce qu’on pense ». Quatre heures au cours desquelles il avait lassé son auditoire et s’était épuisé lui-même. Résultat, il en oubliait de requérir à l’encontre de plusieurs prévenus.


Il avait démarré prudemment, semblant lui-même gêné par la version qu’il avait ordre de soutenir. Multipliant dans un premier temps les précautions oratoires, saluant la pertinence des arguments de la défense, il entrait dans le dossier comme dans une eau trop froide : centimètre par centimètre
Il balayait l’exception d’incompétence présentée par la défense sans même en avoir passé en revue les principaux arguments, reconnaissant tout de même qu’ « effectivement, le procureur aurait dû être plus précis ». Puis il s’attachait à tenter d’accréditer la thèse du « braquage d’un pays » par une « bande de malfaiteurs ».


Sa thèse est simple : il a en face de lui une bande de braqueurs. C’est bien plus confortable que de regarder la réalité en face. Et il répète à loisir « qui peut tolérer qu’on puisse s’entendre pour braquer un pays comme on braque une banque ? ». Le seul problème, c’est qu’il n’y a rien à braquer aux Comores…
Citant des témoignages de coopérants français victimes selon eux de « choc psychologique », il tente de donner à l’accrochage à Radio Comores un air de Stalingrad tropical.
Espérant établir l’absence d’implication des services français dans cette affaire, il déclenche l’hilarité générale avec cette perle : « les services secrets français, on les entend et ils disent : c’est pas nous. ». Ben voyons !


A la remorque de la juge Perdrix, magistrat instructeur qui avait déployé des efforts considérables, disons même disproportionnés, pour tenter de démontrer le financement mafieux de cette opération, il fonce bille en tête dans le mur. Pour lui, c’est Eric V., fils naturel de Bob Denard, qui a financé l’opération. Il en veut pour preuve les déclarations d’un malfrat et un document de synthèse de la Gendarmerie sur lequel il est pourtant indiqué qu’il n’a pas valeur d’expertise. Il évoque des liens entre Eric V. et le président Taki mais passe sous silence le fait que les pièces auxquelles il se réfère concernent des dates largement postérieures aux faits jugés.
Il oublie également de dire, mais cela tout le monde peut le constater, que le fameux Eric V. n’a jamais été mis en examen dans cette affaire. S’il avait été établi qu’il a financé l’opération, il serait prévenu dans cette affaire. Mais ce n’est pas le cas.
Il tente sans succès d’accorder l’absence de réquisitoire supplétif pour blanchiment avec sa thèse mafieuse, puis il finit par reconnaître tout de même « je ne dis pas que Denard s’est enrichi ».


Il signale presque à regret que l'hypothèse d'un financement par les fonds secrets du gouvernement n'occupe qu'une ligne sur les 17 000 pages du dossier. Rappelons pourtant que pour la seule année 1995, la DGSE a disposé d'un total de 230 millions de Francs de fonds secrets destinés à financer des opérations clandestines dont elle n'a pas à justifier l'emploi auprès de la représentation nationale.


«Vous les condamnerez tous, parce qu’à mon sens l’association de malfaiteurs est caractérisée », termine-t-il.
Et ses réquisitions tombent :


Pour cinq prévenus qu’il a qualifiés de « chair à canon », un an de prison avec sursis.


Pour onze autres, qu’il appelle les « bons ouvriers », deux ans avec sursis.


Pour les anciens officiers de la Garde Présidentielle, qu’il n’a cessé d’appeler « Garde Prétorienne », deux ans fermes et deux ans avec sursis, assortis d’une interdiction des droits civiques, civils et familiaux pendant 5 ans. Leur seul tort ? Avoir fait partie de la Garde Présidentielle avant 1989 !


Pour J.-P. G., (absent) cinq ans fermes avec un mandat d’arrêt international.


Pour le colonel Denard, cinq ans fermes et interdiction des droits civiques, civils et familiaux pendant cinq ans.


Les avocats de deux autres prévenus demandent alors de faire acter le fait qu’il n’a pas requis contre leurs clients. Il lance alors trois ans avec sursis pour l’un et deux ans fermes plus deux ans avec sursis pour l’autre.

Audience du13 mars 2006

Notre ami Larifou n’en rate pas une. Aujourd’hui il avait oublié sa robe d’avocat mais il avait apporté des conclusions pour tenter de réparer la bourde de sa plaidoirie, où il n’avait pas pensé à évaluer ni à justifier le préjudice subi par ses clients. Il réclame un million d’euros, rien que ça, « à titre de provision », précise le président en lisant les conclusions… Le « million symbolique », raillera plus tard un avocat de la défense. Et puis on s’aperçoit qu’il agit, entre autre, au nom des veuves de Saïd Mohamed Djohar, comme s’il pouvait imaginer que des tribunaux français allaient reconnaître la polygamie. En le regardant faire, on en vient à se demander si ce Gaston Lagaffe a déjà gagné un procès dans sa carrière.

Après les dérapages du procureur de la République lors de la dernière audience, les premières plaidoiries des avocats de la défense devaient permettre de retrouver la sérénité et de remettre le dossier sur un axe plus conforme à la réalité. Mission difficile, mais parfaitement accomplie.

Pas moins de sept avocats sont intervenus au cours de l’audience. Morceau après morceau, ils ont démonté l’accusation. Incisives, précises, concises et documentées, les plaidoiries du jour ont réduit à néant la thèse de l’association de malfaiteurs. Tous les avocats ont en effet constaté qu’il manquait pour étayer cette accusation un élément essentiel : l’élément intentionnel. Nulle part chez aucun prévenu il n’y a jamais eu la moindre intention de commettre un quelconque crime ou un quelconque délit, constatent unanimement les défenseurs. Tous demandent la relaxe pour leurs clients.

Il s’avère également que le commandement de l’autorité légitime, même s’il n’est pas formalisé par un ordre écrit, est omniprésent dans cette affaire. « La France avait un indéniable intérêt stratégique à la réussite de cette opération », répètent plusieurs défenseurs.
Bien sûr, la couleur des feux est, encore, abondamment commentée. « On se croirait dans une auto-école », lance même un avocat. « Ce message s’autodétruira dans cinq secondes pour que Monsieur le procureur de la République puisse affirmer avec autorité qu’il n’existe pas d’autorisation officielle », résume un des plaideurs du jour, paraphrasant le début de la célèbre série « Mission impossible ». « On sait que tous les états on recours à ce type d’opérations », affirme un autre défenseur, qui poursuit : « le fait que le président Djohar ne soit pas rétabli dans ses fonctions nous interdit définitivement de penser que cette opération n’a pas été couverte ». Et il termine : « s’il y a crime, alors il y a recel de crime par l’armée française ». C’est très probablement pour cela que la qualification criminelle a été abandonnée au terme de dix ans d’instruction.

Et on arrive naturellement à cette conclusion : il n’y a pas de crime, donc il n’y a pas de délit de préparation d’un crime, « donc vous ne pouvez pas entrer en voie de condamnation ».

Quant aux demandes des parties civiles, elles s’avèrent toutes irrecevables.

Et pendant toute l’audience, le procureur Olivier Bray faisait ostensiblement autre chose, la tête baissée sur ses papiers, semblant n’accorder aucune attention à l’effondrement de son argumentation, à tel point que Thibault de Montbrial, pour lui faire lever la tête, finira par lui jeter « Monsieur le procureur, je ne vous dit pas « les yeux dans les yeux » parce que vous ne me regardez pas ! »

La vérité du jour est d’une clarté absolue : on juge des soldats, pas des malfaiteurs.

Audience du 14 mars 2006

« C’est se moquer du monde que de soutenir que la France n’aurait pas été d’accord pour cette opération ». L’avocate de trois des prévenus, dont celui qui a été gravement blessé par l’armée française, attaquait fort et précisait : « les faits confirment que tout le monde était d’accord puisque Monsieur Djohar n’a jamais été remis en place ». Elle précise qu’elle n’a pas soulevé les nullités de procédure à l’époque de l’instruction « car tout le monde était persuadé que cela finirait sur un non lieu ». Regardant ses clients, elle s’exclame : « je ne suis pas d’accord avec le procureur qui les traite de braqueurs ».

Un autre défenseur évoque « la preuve par neuf : on s’aperçoit que la destitution du Président Djohar a été entérinée par la France ». Pour lui la France gagne sur tous les tableaux : « En laissant faire Bob Denard, elle sert ses intérêts géopolitiques et elle redore son blason en intervenant contre les mercenaires dans le contexte de la crise des essais nucléaires ».

Unanimes, les défenseurs se sont succédés pour demander la relaxe pour « les soldats officieux de la France » ainsi que les a qualifiés Maître Philippe Gérard.

Pour lui, la preuve de leur détention illégale par l’armée française a été établie par les débats, ce qui doit aujourd’hui conduire à l’annulation pure et simple de la procédure. L’instruction avait négligé ce volet, qui apparaît aujourd’hui incontestable et incontesté, même par le réquisitoire, pourtant excessif à l’encontre des prévenus, du procureur de la République.

Sur l’association de malfaiteurs, il rejoint ses confrères qui ont tous constaté qu’elle n’était pas établie mais se fait plus précis. Passant en revue tous les faits visés par l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, il constate qu’ils ont tous, sans exception, été commis dans les eaux internationales, c’est-à-dire absolument pas sur le territoire français, rendant de fait les tribunaux français incompétents. Plus tard, il disséquera les trois critères nécessaires pour établir l’association de malfaiteurs et prouvera qu’aucun d’entre eux n’est établi.

Il rappelle que le Garde des Sceaux lui-même, en saisissant la justice française, avait signalé l’impossibilité de poursuivre d’éventuels délits, limitant les poursuites à des crimes dont il est aujourd’hui avéré qu’ils n’ont pas été commis.

En l’absence de Saïd Larifou, Eric Sossah prend alors le départ pour gagner le titre de « roi de la gaffe » du jour. Au mépris des règles de procédure, il coupe la parole au défenseur qui plaide et à se met à invectiver le président du tribunal. Contestant le fait qu’une pièce remise au tribunal n’ait pas été soumise à un débat contradictoire, il s’attire une réponse pour le moins cinglante : « cette pièce a été remise au tribunal par maître Hatem avant les plaidoiries des parties civiles. Il vous était loisible de la discuter lorsque c’était votre tour de parler ». Il faut dire que cette pièce est d’importance, puisqu’il s’agit de la loi d’amnistie votée aux Comores le 2 novembre 1995, qui établit de façon irréfutable l’existence de cette amnistie contestée avec la plus parfaite mauvaise foi par les représentants des parties civiles.

Cela n’empêche pas Philippe Gérard de continuer le tir. En quelques mots, il établit l’irrecevabilité des parties civiles, complétant les éléments apportés la veille en ce sens par maître Sylvain Degrace.

Ensuite il se penche sur les conditions d’intervention de la France et constate que personne n’a cherché au cours de l’instruction à étudier l’accord de défense du 10 novembre 1978, jusque-là considéré comme le fondement juridique de l’intervention militaire française. Ce document, il l’a retrouvé et il en donne lecture : « les personnels militaires français mis à disposition du gouvernement comorien ne pourront pas prendre part à l’exécution d’opérations de guerre ni de maintien ou de rétablissement de l’ordre ou de la légalité ». En clair, l’intervention française du 4 octobre 1995 était illégale.

« Il y a eu des réquisitions hors poursuite », s’insurge-t-il, constatant que le cas d’Eric V., possible financier partiel de l’opération, a occupé « une place disproportionnée dans ce trop long réquisitoire pour quelqu’un qui n’a même pas été poursuivi ».

Il regrette enfin que les témoins cités n’aient pas cru devoir venir témoigner. « C’est dommage, j’avais beaucoup de questions à leur poser ! » On veut bien le croire. « De quelles questions avaient peur tous ceux qui se sont défilés ? »

« Les conditions de condamnation ne sont pas réunies. En conséquence vous prononcerez la relaxe », demande-t-il enfin comme tous ses confrères l’ont fait jusque-là. « Les hommes qui sont là, ce sont des hommes d’honneur. Pas des malfaiteurs ! ».

Audience du 15 mars 2006

« La volonté de condamner des gens ne doit pas passer avant les termes de la loi. » Le ton était donné d’entrée par l’avocate commise d’office pour défendre l’un de ceux que le procureur avait qualifié de « bons ouvriers ». « Je suis convaincue que dans ce dossier on a essayé de trouver une qualification pénale, mais ce n’est qu’une idée, qu’un parfum. Si les Comores avaient décidé de poursuivre l’atteinte à la sûreté de leur état, je le comprendrais, mais là il s’agit d’une construction intellectuelle qui vise à les faire punir coûte que coûte », précisait-elle.
En quelques mots, elle avait résumé le malaise qui plane sur ce procès depuis son commencement. On en serait presque venu à compatir à la situation intenable du procureur de la République. Mais le zèle excessif de ses réquisitions restait présent à l’esprit de tous.

Son successeur à la barre annonçait une plaidoirie courte. Elle le fut.
Après avoir salué « la patience du tribunal », il prévenait : « Je ne vais pas vous parler de droit du tout. Je ne vais pas répondre du tout aux parties civiles car leur répondre serait donner un certain crédit à leur logorrhée faite de mauvaise foi. Je ne veux pas répondre non plus à Monsieur le procureur car je ne veux pas qu’il se sente humilié. »
Et se tournant vers les prévenus, il déclarait : « Je ne peux pas leur donner une médaille. Mais je veux leur dire que j’aurais été très fier d’être en leur compagnie. Je suis très honoré de serrer la main de chacun de vous et je serais très honoré que vous l’acceptiez. Grâce à vous j’ai retrouvé la fierté d’être Français ! ».

En quelques mots bien sentis, Solange Doumic établissait alors l’irrecevabilité des parties civiles. Puis elle s’attaquait à la thèse de l’association de malfaiteurs, qu’elle réduisait en miettes, tout comme le réquisitoire du procureur : « J’ai regretté que pendant les 4 heures 30 de réquisitoire Monsieur le procureur n’ait pas pris un par un les éléments pouvant accréditer la thèse de l’association de malfaiteurs. […] Je n’ai pas compris pourquoi le procureur mettait à charge des éléments qui sont issus de son imagination fertile. »
« Pour condamner, il faudrait qu’il y ait une intention délictueuse », rappelait-elle avant de disséquer l’accusation pour la réduire à néant.
« Il y a une certitude, c’est qu’il y a une légitimité à intervenir parce que la France le souhaite et que les Comoriens le demandent ». « Que l’on ne vienne pas me dire que ces hommes ont agi seuls dans un intérêt personnel ! ». Et elle évoquait le film et les photos pris par un de ses clients, « disparus, comme l’Inmarsat » et le « vrai-faux passeport de Bernard Martin, est-ce qu’on a fouillé dans cette direction ? » « Dans une affaire de ce type, on aimerait que le parquet ait une logique », ajoutait-t-elle avant de demander la relaxe pour ses trois clients.
« Il faut qu’il y ait des hommes de l’ombre pour que certaines choses puissent être faites dans la lumière », terminait-elle.

« Il y a un paradoxe extraordinaire à venir vous demander de juger des faits que l’Etat dans lequel il ont été commis ne veut pas juger et pour lesquels il a pris une loi d’amnistie qui éteint définitivement l’action publique ». Olivier Lagrave relevait les contradictions et les paradoxes du dossier. « Le cynisme d’état, vous ne le découvrez pas aujourd’hui et moi non plus », lançait-t-il à l’adresse du tribunal.
Comme ses confrères, mais avec d’autres arguments, il s’attaquait ensuite à la thèse de l’association de malfaiteurs qu’il réduisait en poussière.
Egratignant à son tour le procureur de la République qui, il est vrai, n’a pas été à la hauteur, il constatait qu’ « on n’a pas autant cherché que ce que Monsieur le procureur nous a affirmé ». Evoquant la disparition du téléphone satellitaire, il affirmait : « cet Inmarsat, il a évidemment été récupéré par les services qui y avaient intérêt, et ces services, ce sont les nôtres ».
Enfin, il rappelait que pour son client « comme pour les autres, c’était une mission qu’on leur demandait de mener, évidemment officieuse mais dans l’intérêt de la France ».

Dans une longue plaidoirie, Elie Hatem, défenseur du colonel Denard, apportait l’éclairage qui permettait de donner au dossier sa véritable dimension : « il s’agit d’une question politique et non pas d’une question de droit commun ».
Pour lui, le débarquement de Bob Denard et l’intervention militaire française la semaine d’après sont deux phases distinctes d’une même opération voulue et orchestrée par l’autorité politique française.
Il a remué ciel et terre pour obtenir les témoignages des autorités françaises de l’époque. Alain Juppé (premier ministre), Charles Million (ministre de la Défense), Michel Dupuch (chef de la cellule africaine de l’Elysée), Jacques Dewatre (patron de la DGSE), et même Jacques Chirac. Et aucun témoin n’est venu. Il évoquait le « bras de fer » avec le bureau d’aide juridictionnelle pour faire citer les témoins, l’affaire étant « montée jusqu’à la Chancellerie, c’est-à-dire l’Etat. ». Et il concluait sur ce point : « Il y a une volonté de l’Etat français de mettre des bâtons dans les roues pour empêcher mon client de se défendre ».
La raison ? « L’Etat avait pour objectif la destitution finale du président Djohar. Les services ont utilisé Monsieur Denard pour fabriquer le prétexte de l’intervention française officielle. »
« Je ne veux pas laver notre linge sale en public mais je suis dans l’obligation d’en parler pour défendre mon client », précisait-il.
« Si la France était de bonne foi, elle aurait remis Djohar en place », remarquait-il avec bon sens. Au terme d’un cour magistral de droit international, il démontrait que l’intervention militaire française, « deuxième phase d’une opération dont la première avait été conduite par le colonel Denard », était elle-même illégale au regard de la jurisprudence internationale.
Revenant à son client, il apportait l’évidence de l’absence d’intention délictuelle. Critiquant fermement le délirant réquisitoire du ministère public, il s’exclamait « on veut nous faire croire que le colonel Denard est un malfrat ! ».
Comme ses prédécesseurs, il constatait que les critères permettant de condamner sur la base de l’association de malfaiteurs n’étaient pas réunis et demandait la relaxe pour le colonel Denard.
Il mettait enfin le coup de grâce aux demandes des parties civile, constatant leur irrecevabilité, et donnait à leurs avocats un cour de droit constitutionnel qu’ils n’oublieront pas, prouvant que l’Union des Comores (identifiée dans l’ordonnance de renvoi comme « Société Gouvernement de l’Union des Comores »), entité qui n’existait pas à l’époque des faits, ne pouvait pas disposer de la personnalité juridique lui permettant d’agir en justice. Il existe en fait trois états comoriens distincts : La Grande Comore, Anjouan et Mohéli et c’est au non d’un de ces états, et non pas de leur confédération, qu’il aurait été possible d’agir.

C’est alors qu’Eric Sossah laissait éclater son talent de comique judiciaire « Je représente ici l’Etat unitaire composé de trois îles parfaitement indépendantes ». Comprenne qui pourra…
Au mépris de toutes les règles de procédure, il tentait alors de repartir pour une plaidoirie. Le président le remettait en place : « Tout à l’heure vous avez dit que c’était votre dernière intervention, maintenant vous en avez une autre, donc c’était l’avant-dernière, et ensuite il y en aura encore une ? ». Sossah, furieux, partait alors vociférer au fond de la salle d’audience. C’est dommage que cela se termine de cette manière-là, ponctuait Philippe Gérard.

Mais la vraie fin allait être beaucoup plus digne. Les prévenus ayant la parole en dernier, le capitaine Jeanpierre, ancien de la Garde Présidentielle comorienne, se levait et, se faisant le porte-parole de ses camarades, clôturait ainsi le procès : « Je ne voudrais pas sortir du tribunal avec des regrets, donc je vide mon sac. Je suis un soldat. Tout ce qui se passe ici me dépasse un peu. J’assume ce que j’ai fait et ce que je regrette, c’est que nos hommes politiques n’aient pas notre honneur et notre courage. ».
Un silence approbateur s’établissait sur la salle d’audience.

Le jugement sera rendu le 20 juin 2006 à 13H30.

 

Jugement du 20 juin

Condamnation de principe : la (censuré) continue.

Introduction censurée par le Webmaster. (l'article 434-25 du Code pénal sanctionne le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance.) Au XXIeme siècle en France la parole est très loin d'être libre.

Les motivations du jugement valent le détour. Morceaux choisis (les « […] » indiquent des coupures réalisées pour alléger la lecture sans altérer le sens du texte) :

Page 27 :
« Le Président Djohar fut donc remis à l’ambassade de France aux Comores ce qui permit au ministère français des affaires étrangères de prétendre le 5 octobre qu’il avait été « libéré par les forces militaires françaises » […], allégation qui allait toutefois s’avérer quelque peu téméraire puisque sous prétexte de son état de santé prétendument déficient, l’intéressé qui, pourtant, se proclamait en fort bonne forme et qui voulait réintégrer immédiatement sa fonction présidentielle, allait être conduit à La Réunion puis placé sous bonne garde préfectorale (cf déposition de son fils à l’audience) jusqu’en février, date à laquelle, ayant finalement accepté, aux termes des accords de Tananarive, de ne plus être Président qu’à titre honorifique, il fut autorisé à regagner son pays. »

Page 28 :
« Pendant ce temps, Robert Denard et ses hommes allaient être retenus aux Comores par les autorités militaires françaises jusqu’au 13 octobre.
Durant ce délai de près de 10 jours leur statut juridique fut quelque peu singulier puisque inexistant.
En effet, sans qu’aucun procès verbal soit dressé, ils furent interrogés à de multiples reprises par divers services de renseignements ; de même, hors de tout procès-verbal de saisie, leurs affaires et argent furent fouillés et parfois même volés ; bien entendu aucun droit ne leur fut notifié de même qu’il leur fut interdit, alors qu’ils le demandaient, de rencontrer […] un avocat du barreau de Mayotte qui était pourtant prêt à les assister.
»
[…]
« Sans qu’ait été suivie une quelconque procédure d’extradition et alors que le gouvernement comorien avait fait voter dès le 5 octobre une loi d’amnistie générale, toujours en vigueur, couvrant, quelle que soit leur nationalité, les auteurs du coup d’Etat du 28 septembre, Bob Denard et ses hommes allaient aussitôt être embarqués le 13 octobre, sous garde du G.I.G.N., sur un vol Paris-Moroni, menottés à leurs sièges. »

Page 29 :
« Effectivement, il ressort de la procédure qu’au vu des multiples témoignages de professionnels du renseignement il est « impossible et impensable » qu’une opération comme celle de l’espèce […] ait pu être méconnue des services secrets et de la Cellule Africaine de l’Elysée. »

Page 30 :
(pour comprendre ce paragraphe, il faut se souvenir que le vice-procureur Olivier Bray avait tenté, dans un réquisitoire proprement stupéfiant au cours duquel il avait à de multiples reprises pulvérisé la ligne blanche, d’accréditer la fable d’un financement crapuleux de l’opération. Sa poudre fait long feu.)
« […] aucune démonstration sérieuse n’a en réalité été établie à ce sujet et cette investigation, au cas même où elle aurait été positive, n’aurait pu expliquer tout au plus que le quart du financement de l’opération, le reste restant inconnu ; d’ailleurs, par acte du 20 janvier 2000, le Parquet avait expressément refusé de délivrer au juge d’instruction des réquisitions supplétives du chef de blanchiment d’argent provenant d’un trafic de stupéfiants. »

Page 31 :
« Dès lors, pour les motifs ci-dessus exposés, il est donc évident que les services secrets français avaient eu connaissance du projet de coup d’Etat conçu par Robert Denard, de ses préparatifs et de son exécution.
Il est tout aussi manifeste qu’au moins ils n’avaient rien fait pour l’entraver et qu’ils l’avaient donc laissé arriver à son terme.
En conséquence, c’est que les responsables politiques l’avaient nécessairement voulu ainsi ; ce qui est à rapprocher du fait que, comme vu ci-dessus, Mohamed Djohar, après l’opération Azalée, n’avait nullement été rétabli dans ses fonctions présidentielles.
»

Avec de tels attendus, la relaxe s’imposait.

Mais non : en contradiction flagrante avec ce qui précède, « tous les prévenus seront donc déclarés coupables de l’infraction qui leur est imputée ».

En résumé, on condamne des soldats pour épargner les politiques.

La gêne est manifeste au paragraphe des sanctions (page 32), qui « devront tenir compte […] du fait qu’il est incontestable qu’ils avaient reçu sur place une large approbation des responsables politiques de l’opposition et d’une partie importante de la population, du fait que les autorités françaises les avaient entérinés, du fait qu’ils avaient été amnistiés par la loi comorienne, encore aujourd’hui en vigueur, du fait que les poursuites engagées en France faisaient suite à de multiples et graves irrégularités de procédure qui auraient pu en faire mériter l’annulation, du fait que les prévenus n’avaient pas obéi à des motifs crapuleux […] »

Sont alors prononcées des peines de prison avec sursis, quasiment toutes assorties de la non inscription au casier judiciaire.

Une condamnation de principe qui, sans satisfaire les parties civiles, révolte les prévenus qui, eux, s’opposent fermement au principe d’une condamnation.

Quant aux parties civiles, la demande du militaire comorien blessé par ses « camarades » est déclarée irrecevable, l’Union des Comores reçoit un euro symbolique de dommages et intérêts et 20 000 euros pour les frais de procédure. Les ayants droit de Saïd Mohamed Djohar sont déclarés irrecevables dans leurs demandes de réparation de prétendus préjudices personnels. En revanche leur demande de réparation du préjudice subi personnellement par Saïd Mohamed Djohar est déclarée recevable et son examen renvoyé ultérieurement

Conclusion censurée par le Webmestre.

 

30 juin 2006- Appel du parquet

Toujours plus haut, toujours plus fort, c’est la loi du cirque :
le parquet fait appel contre le colonel Denard

« Je n’ai pas confiance dans la justice de mon pays », déclarait un compagnon d’armes de Bob Denard après le jugement, avant de préciser son intention d’obtenir réparation par d’autres voies que celles de la justice française. Le parquet vient, malgré lui, de confirmer la pertinence de cette analyse.

Le 30 juin, le parquet a fait appel du jugement contre le colonel Bob Denard. Le sursis ne lui suffit pas, il veut envoyer le colonel Denard en prison. Cet appel vise le colonel Denard mais pas ses hommes, ce qui est perçu comme un artifice visant, sans succès, à rompre leur solidarité.

Pour méprisable qu’elle soit, cette décision révèle un embarras profond.

On aurait pu comprendre que le fond du jugement soit attaqué car il établit l’implication totale des responsables politiques français : « […] les responsables politiques l’avaient nécessairement voulu ainsi » (extrait du jugement).
Et qui sont ces « responsables politiques » ? Ceux qui, d’une façon ou d’une autre, donnent les ordres au parquet. C’est dans la fonction même du parquet d’exécuter les ordres qui lui sont donnés par son ministère de tutelle et il faut rappeler que la procédure visant le colonel Denard et ses hommes a été lancée par le ministre de la justice à la demande du ministre des affaires étrangères.

On aurait pu éventuellement comprendre que les « responsables politiques », dans une ultime manipulation, refusent que soit ainsi établie « au nom du peuple français » leur responsabilité dans la manipulation dont ont été victimes aussi bien le colonel Denard et ses hommes que l’armée française et le peuple comorien. S’ils l’acceptent, c’est qu’elle est incontestable, même devant leur justice.

Mais ce qui est attaqué, c’est uniquement le sursis accordé au colonel Denard, au prétexte qu’il avait déjà été condamné en 1993 à une peine de prison avec sursis.

Il faut pour les « responsables politiques » une victime expiatoire qui porterait le poids de leurs fautes et de leur honneur perdu. Ils veulent faire mourir le colonel Denard en prison.

En exergue de son livre « Corsaire de la République », Bob Denard avait porté cette célèbre citation d’Alexandre Sanguinetti, rappelant que le guerrier est « un seigneur, puisqu'il accepte encore de mourir pour des fautes qui ne sont pas les siennes ». Cette phrase prend aujourd’hui tout son sens.

En guise de conclusion provisoire lire : autopsie d’une manipulation.